Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
vi NOTIONS PRÉLIMINAIRES.


En effet, les institutions patriotiques des Grecs qui différoient entr’elles, avoient toutes pour objet de faire participer chaque membre l’intérêt du corps, & de fonder l’illustration générale sur les vertus & les talens de chacun.

C’est d’après ces grandes idées que les talens furent en quelque sorte déifiés eux-mêmes ; on vit honorer ensemble les Dieux, les Héros, les Artistes, & dans les jeux célèbres où se rassembloient des nations jalouses les unes des autres, des nations, souvent ennemies, brillèrent du plus vif éclat, l’enthousiasme & la gloire, principes & sins, source & récompense des actions surnaturelles, des sentimens & des prouctions sublimes.

L’action & la réaction réciproque des grandes institutions portèrent donc les Beaux-Arts, qui vraiement étoient leurs langages, à des perfections qu’on admire depuis cette époque sans les atteindre.

Les institutions dont j’ai parlé, ont changé ainsi que l’ordre des choses & des idées. Sans entrer dans des détails qui ne peuvent avoir place ici, mais qui seront développés dans un ouvrage dont je m’occupe, je ferai seulement observer que ces Arts liberaux, ces Beaux-Arts ne sont plus guère appellés que des Arts agréables.

Il faut donc passer à des notions adaptées à notre tems & à nos mœurs.

Nos Arts exigent un mêlange de raisonnemens & d’operations ; c’est par ces moyens que ceux qui les exercent s’efforcent de produire des ouvrages agréables & quelquefois utiles.

De la première de ces deux idées naît un sentiment mêlé d’intérêt & de curiosité ; & voici le raisonnement qui se présente.

L’intelligence est sensiblement marquée dans une suite méthodique d’opérations : motif d’intérêt. De ces opérations résultent des ouvrages agréables & utiles : motif de plaisir & d’estime.

De plus ces ouvrages sont spécialement des imitations animées par l’expression, ou des désignations ingénieuses, motifs d’une curiosité qui tend à juger à quel dégré de perfection ils imitent, ils désignent & ils expriment.

Voici maintenant la marche élémentaire & pratique des Arts.

Une suite de raisonnement indispensable à toute produnion qui doit annoncer une intention méditée, forme la théorie de chacun des Arts.

L’ordre de leurs opérations en constitue la pratique.

La Théorie commence aux premières observations faites & rangées avec ordre sur l’objet dont l’Art s’occupe.

La Pratique commence aux premiers procédés nécessaires & employés à l’exécution de l’ouvrage.

La Théorie & la Pratique doivent se diriger de concert au terme où l’exécution est complette ; & mieux leur marche est combinée pour s’aider mutuellement, plus l’exécution a de succès.

Le Recueil Alphabétique des Notions sur la Peinture que précède ces Notions générales, sera principalement conforme aux élémens que je viens d’exposer ; cependant j’ai pensé qu’il seroit utile encore de rappeller, quand l’occasion s’en présenteroit, l’Art & les Artistes aux plus hautes perfections. J’ai rapproché souvent pour cela les six Arts des uns des autres, parce qu’ayant la même origine & la même destination, ils doivent avoir un nombre de règles communes. Enfin j’ai associé la Morale aux Arts, parce que leur plus grand avantage seroit de ne jamais s’en séparer.