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NOTIONS PRÉLIMINAIRES. v


constances les plus importantes pour eux. Mais il n’en est pas moins vrai (relativement aux Arts) que nombre de productions peuvent être dirigées par le seul intérêt personnel à une perfection & à des beautés que j’appellerai de convenance.

Cet effet provient de ce qu’il s’établit des relations naturelles si indispensables entre les formes (par exemple) & l’usage d’une infinité d’objets de tout genre, que de ces seules relations peut émaner une perfection ou une beauté qui leur convient.

L’ouvrage, de quelque genre qu’il soit, dont les formes ou les embellissemens contrarient la destination, contrarie par-là tellement l’intérêt personnel de celui à qui l’usage en est destiné, qu’il se trouve intéressé & souvent même contraint à le rectifier & à le perfectionner, jusqu’à ce que la facilité de s’en servir soit le plus complettement d’accord, & le plus artistement combiné qu’il est possible, avec l’agrément dont il est susceptible.

C’est ainsi que d’autres relations indispensables entre les hommes les forcent d’adopter des conventions qui suppléent à quelques égards aux principes moraux lorsqu’ils s’altèrent.

Si les Arts n’ont jamais été considérés de cette manière, c’est qu’on les a regardés séparément les uns des autres & comme produits ou inventés au hazard, sans leur croire de destination universelle & absolue ; au lieu qu’ils doivent être observés comme ayant une origine universelle & comme destinés par leur nature à des institutions indispensables parmi les hommes, de manière que les institutions ne peuvent se passer des Arts, & que les Arts, pour atteindre leurs perfections sublimes, ne peuvent se passer des institutions ; si l’on desiroit une preuve de cette influence des institutions sur les Arts, & des Arts sur les institutions, quel est l’homme instruit qui, d’après les élémens que je viens d’exposer, n’a pas fixé déjà ses regards sur les beaux jours & sur les chefs-d’œuvres de la Grèce ?

Il a existé une nation placée sous un ciel favorable, pourvue d’un idiôme harmonieux, énergique & riche, qui honora comme objet de son culte religieux des êtres qu’elle supposa doués de différentes perfections, ou distributeurs de différens bienfaits ; elle unit, dans ce qui avoit rapport à ce culte, les beautés de la nature au sublime des sentimens & à la finesse des allégories les plus capables d’élever l’esprit & de charmer les sens.

Combien les langages de cette institution n’ont-ils pas dû produire d’expressions énergiques, de désignations ingénieuses & d’imitations sublimes ?

Il appartenoit encore à cette Nation admiratrice des perfections les plus grandes, de se permettre la plus noble des illusions : elle pensa que les hommes supérieurs à leurs semblables, par des qualités & des vertus, pouvoient, pour récompense de s’être élevés vers la Divinité, être admis à en partager les honneurs, & elle déifia ses héros. La Religion des Grecs rendit respectables, en les consacrant, leurs images dejà intéressantes, & l’apothéose excita & autorisa les Arts à revêtir l’humanité de cette beauté qu’on appelle idéale & sublime, qui divinise, si l’on peut parler ainsi, les formes humaines.

Pour ajouter à ce concours de deux institutions rapprochées si heureusement pour les Arts, n’oublions pas que ces mêmes peuples brûlerent de l’amour de la liberté & de celui de la patrie ; sentimens qui, de quelque façon qu’ils soient conçus, rendent toujours les ames d’un grand nombre d’hommes énergiques, leurs qualités supérieures & leurs vertus éclatantes.