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ij NOTIONS PRÉLIMINAIRES.


Celles qu'on nomme libérales, sont les plus susceptibles de perfection, en raison de ce que l'expression libre & spirituelle y a plus de part.

Les autres sont d'autant plus méchaniques, que l'imitation servile & lente y domine plus & s'oppose davantage à l'influence prompte du sentiment.

Ces combinaisons ou mêlanges d'expression libre & d'imitation asservie, de libéral & de méchanique, sont infinis dans les Beaux-Arts.

Il est nécessaire de considérer maintenant que les hommes sont doues de deux facultés fort distinctes par les caractéres différens qui leur sont propres.

Ces deux-facultés sont l'imagination & le jugement, distribués à chacun de nous en différentes doses & mêlés ensemble en différentes proportions.

Les hommes dans lesquels l'imagination est abondante sont plus propres à l'expression spirituelle, ceux qui sont moins doués d'imagination sont plus propres à l'imitation servile.

Mais pour que les premiers portent les Arts vers leur plus haute perfection, il est nécessaire que des idées libres, grandes & élevées se soient établies & répandues dans les sociétés, & que ces idées unanimement convenues & généralement respectées, ayent acquis une existence durable.

Il faut même que ces idées inspirent aux hommes, & surtout à ceux qui exercent spécialement les Arts, de vifs desirs d'obtenir les louanges du plus grand nombre, ou du nombre le plus choisi, & de mériter un souvenir perpétué de siécle en siécle après eux.

Trois grandes & universelles institutions peuvent opérer ces effets dans la plus grande étendue, elles seules sont capables de répandre & de produire des idées sublimes, elles seules portent au plus haut dégré les desirs de louanges & de gloire si puissans sur les hommes qui sont doués d'une imagination prédominante.

Ces grandes institutions qui ne manquent pas de s'établir, quoique ce soit avec des différences, dans toutes les sociétés qui s'organisent, ont pour principes les sentimens d'admiration, d'enthousiasme & de vénération qu'excitent en nous ceux de nos pareils, que des perfections ou des qualités extraordinaires distinguent particulierement.

Secondement, les sentimens religieux qui inspirent aux hommes ou la conscience de leur foiblesse, ou les prodiges, & les révélations.

Troisièmement, les attachemens profonds & susceptibles d'exaltation que les hommes prennent pour les sociétés dont ils sont partie, & avec lesquels ils s'identifient.

Lorsque ces sentimens se communiquent & deviennent unanimes à un certain point, il en résulte des manifestations qu'on appelle cultes, & qu'on peut distinguer sous les noms d'héroiques, de religieux & de patriotiques.

Ces manifestations ne peuvent s'opérer & les cultes tomber sous les sens que par les moyens que procurent les Beaux-Arts, ou langages libéraux que j'ai énoncés, c'est-à-dire, par le langage de mouvement que j'appelle pantomime, par la parole, par les sons modulés qu’on appelle musique, enfin à l'aide de la Peinture, de la Sculpture & de l'Architecture ; & ces Arts à leur tour ne peuvent acquérir les plus grandes perfections dont ils soient susceptibles que par l'ascendant des institutions & les fortes impulsions qu'elles sont capables de nous donner.

Maintenant je vais retracer le tableau des six Arts, pour faire appercevoir une différence essentielle qui les partage pour ainsi dire en deux classes.