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dans de l’eau, qui devient blanche, savonneuse & aussi douce que du lait ; le fréquent usage en est très-salutaire, & la peau en contracte un lustre admirable.

Savon, lessive.

Les marrons d’inde ont encore la propriété de savonner & blanchir le linge, de dégraisser les étoffes, de lessiver le chanvre, & on en peut faire, en les brûlant, de bonnes cendres pour la lessive.

On pèle les marrons, on les rape en molécules fines avec une rape à sucre (si on travailloit en grand, on auroit recours à d’autres moyens), on met cette poudre dans de l’eau de rivière ou de pluie ; il faut environ deux marrons râpés par pinte d’eau, que l’on fait chauffer, afin qu’elle dissolve les sucs astringens, alumineux, détersifs, lexiviels & savonneux des marrons. On agite cette eau de temps en temps pendant l’espace de vingt-quatre heures, & on la décante ensuite de dessus le marc : cette eau doit avoir la blancheur d’une eau de savon, & écumer un peu lorsqu’on l’agite. C'est dans cette eau tiède qu’on peut savonner le linge, & si l’on ne peut pas se passer absolument de savon pour enlever les plus grandes taches, il en faudra certainement bien moins qu’à l’ordinaire ; on peut se contenter seulement d’en frotter les endroits où la crasse est la plus tenace, & cette épargne sera d’autant plus considérable, que la dépense en est onéreuse à ceux qui sont obligés d’employer journellement le savon pour leurs ouvrages, comme les blanchisseuses, les foulons de bas & d’étoffés, &c. M. Marcandier a fait même dégraisser & fouler une paire de bas drapés avec la seule eau de marrons d’inde.

Notre observateur a aussi reconnu que l’eau de marrons d’inde, dans laquelle on fait tremper & macérer le chanvre, dissout, par ses sels & par ses huiles, les particules gommeuses qui font adhérer les fibres du chanvre, ensorte que les fils se divisent bien mieux, s’adoucissent, & sont susceptibles de prendre un bien plus beau blanc que ceux qui ont été préparés avec de l’eau pure.

Chauffage.

Enfin, les marrons peuvent servir à chauffer les poêles.

Remède contre la pouffe des chevaux.

Les maréchaux s’en servent pour guérir la pousse des chevaux ; on fait grand usage de ce remède dans le levant ; c’est ce qui a fait donner au marronnier d’inde le mot latin hippocastanum, qui veut dire châtaigne de cheval.

Poudre sternutative.

On tire des marrons d’inde une poudre sternutative.

Fébrifuge.

On a prétendu aussi que l’écorce & le fruit de cet arbre sont un fébrifuge qu’on peut employer au lieu de quinquina dans les fièvres intermittentes ; on assure même que quelques médecins ont appliqué ce remède avec succès.

M. Peper, habile physicien de Londres, recommande l’usage de ce fébrifuge, & dit que dans le cas où il constipe les malades, il suffit d’y mêler un peu de rhubarbe ; mais on ne doit pas dissimuler l’observation suivante, consignée dans le journal de Paris du 26 novembre 1784.

Les papiers publics, y est-il dit, célébrèrent, il y a quelques années, la vertu fébrifuge de l’écorce du marronnier d’inde. On ne prétendait à rien moins que de substituer cette écorce au quinquina contre les fièvres intermittentes, & spécialement contre la fièvre tierce ; mais il résulte des observations faites par M. Zulatti, que l’effet de ce remède n’a produit, pour ainsi dire, que des accidens. Pour deux fièvres tierces simples qui ont été guéries par son usage, douze autres malades en ont éprouvé des nausées, des maux de tête & de reins, des douleurs dans le bas-ventre, un poids incommode & une chaleur brûlante à l’estomac, enflure des extrémités, froid violent, tremblement général, délire, constipation ; en général, la fièvre augmente, l’accès s’avance & se prolonge, & la tierce se change en double tierce. Dix-huit autres observations qu’a recueilli le docteur Zulatti, viennent à l’appui de celles qui lui sont particulières. Toutes ces autorités doivent faire proscrire une nouveauté dangereuse, & sur laquelle on a imposé le désir de substituer au quinquina un remède indigène. Nous nous empressons de leur donner de la publicité, pour prévenir les effets dangereux qui résulteroient nécessairement de la confiance accordée trop légèrement à ce prétendu fébrifuge.