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F R O M A G E S. ( Art de faire les )

L’ART de faire & de préparer les fromages, ne consiste jusqu’à présent, que dans les différentes méthodes suivies en quelques provinces de France & des pays étrangers où il y en a de grandes fabriques. Ainsi, dés que j’eus formé le projet de donner une description de cet art , je crus devoir étudier attentivement chacune de ces méthodes , l'ordre & la liaison de leurs procédés , de manière à saisir ce qui pouvait en caractériser les résultats. A mesure que j'ai avancé dans ce travail , j'ai senti de plus en plus que, sous cette forme, la description de Fart était infiniment plus utile , parce qu’elle présentait diverses suites de manipulations qu'il importait de connaître, non -seulement dans les rapports qu'elles avaient entr’elles , mais même dans les variétés qu’elles pouvaient offrir : je vis que ces détails étaient également intéressants , pour ceux qui désireraient adopter ou imiter quelqu’une de ces suites de procédés , & pour ceux qui croiraient devoir rectifier les unes par les autres.

D’ailleurs, en suivant cette marche, je me suis cru autorisé à distinguer plusieurs sortes de fromages , & à les classer suivant les procédés qui les rapprochent ou qui les différencient. Ainsi , j’ai mis dans la première classe les fromages d’Auvergne & de Hollande , dont la pâte est faiblement cuite : dans la seconde, les fromages de Gruyères & de Parmesan , dont la pâte a reçu un degré de cuisson très-considérable : enfin , dans la troisième , j’ai placé les fromages dont la pâte n’est pas cuite , & qui sont faits avec le lait de brebis & de chèvre ; tels sont les fromages de Roquefort & du Mont-Dor, dans le voisinage de Lyon.

Je me propose de multiplier encore les différents objets de comparaison que pourront m’offrir quelques provinces de France où se fabriquent d’autres fromages qui ont de la réputation. Lorsque ce travail sera terminé, & les résultats des différentes méthodes biens connus & comparés exactement , nous pourrons nous flatter d’avoir rassemblé tous les procédés qui constituent l’art de fabriquer les fromages ; de cet art qui prépare & conserve une denrée , laquelle sert à la nourriture de la partie la plus nombreuse des peuples où l’éducation des bestiaux est en honneur.

SECTION PREMIÈRE.

Fromages faiblement cuits.

Article I. Fromages d'Auvergne.

Avant de décrire les procédés qu’on suit dans les différents cantons de l’Auvergne , pour fabriquer des fromages qui font l’objet d’un commerce consi- dérable,j’ai cru devoir présenter ici succinctement, ce que j’ai observé par moi-même sur les espèces de vaches qu’on y élève , sur l’éducation & la vente des veaux , sur la qualité & les différentes expositions des pâturages. Tous ces détails ne feront pas déplacés à la tète de la description des procédés d’un art qui prépare une des productions les plus importantes de ces bestiaux , & qui la prépare de manière à la conserver , soit pour la consommation de la province, soit pour celle des provinces voisines. Dans ce plan , l’embrasse tout ce qui concerne la nourriture des bestiaux , & le commerce de leurs produits. Je souhaite que cet essai inspire à ceux qui ont leur principal séjour en Auvergne , le désir de suppléer aux détails qui peuvent y manquer , & d’étendre déplus en plus les vues que j’ai cru devoir y indiquer , pour l’amélioration de cette partie si importante de l’économie rurale.

§. I. Races des bestiaux d'Auvergne.

Les vaches d’Auvergne sont principalement des tinées à donner du lait , dont on fait des fromages & dont on tire du beurre. On en distingue ordinairement trois races. Celle des montagnes de Salers, celle des Monts-Dor, & celle du Cantal. Les bestiaux des montagnes de Salers sont de la plus belle taille, & plus vigoureux que ceux des autres cantons. Leur forme est bien prise, leurs membres bien proportionnés. L’on a soin de choisir les plus beaux taureaux pour entretenir cette race ; la bonté des pâturages fait le reste : son poil , qui sert aussi à la distinguer , est constamment roux. Enfin , cette race est très-féconde en veaux & en vefle^ ; & chaque vache donne communément , pendant l’été , deux quintaux de fromage.

La race des Monts-Dor & des environs , à cinq ou six lieues , approche beaucoup de la précédente , quant à la beauté & à la régularité des formes. Ces bestiaux sont la plupart bigarrés de blanc & de noir : le poil roux ou fauve y est rare ; leur produit en veaux & vefles est presqu'aussi abondant que celui des bestiaux de Salers : mais la récolte e fromage , par tête de vache , ne va guère qu’à. 150 livres.

La race du Cantal & des environs , est d’une très-petite taille ; son poil est fauve ; elle produit beaucoup moins , soit en lait , soit en veaux & vefles , que les deux races de Salers & des Monts-Dor : c'est certainement l’effet des pâturages ; car on a éprouvé souvent que la race des montagnes de Salers , transportée dans le Cantal , s’y abâtardissait en peu d’années. Les vaches de cette race ne produisent guère que 120 à 125livres de fromage.

Arts & Métiers. Tome III Partie I.