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préparées, les dresseurs auront soin de mettre une partie de petits bois pour commencer ; c’est ce qu’on appelle l’alume ; ensuite les plus gros dans le foyer, & les plus petits à mesure qu’on s’éloigne du centre : par ce moyen, tout se trouve dans la place qui lui convient. Le grand point est que le bois ne soit point trop couché en dedans ni sur les côtés ; sans quoi au moindre affaissement, tout se dérange & cause un désordre préjudiciable.

Le dressage doit laisser une égale liberté au feu de circuler de tous côtés : si une partie est trop garnie, le feu pénètre avec peine : ne l’étant pas assez, il se jette tout-d’un-coup où il trouve moins de résistance ; si le gros bois tient une place séparée du petit, l’un brûle, l’autre ne cuit pas ; si la place n’est pas ferme, tout le bois qui entre en terre ne deviendra jamais charbon ; s’il s’y trouve des fentes, si elles communiquent à l’air extérieur, elles soufflent ; si elles ne communiquent pas, & qu’il y ait beaucoup d’humidité, la raréfaction petit faire culebuter une pièce entière ; si le bois est mal arrangé & garni, il s’y forme des entonnoirs, qu’on ne bouche & remplit jamais sans perte.

Quand les fourneaux sont dressés, on les couvre de feuilles, d’un peu de terre & fasins, pour concentrer la chaleur : si on a affaire à un terrain pierre, je le répète encore, voiturez de la terre & des fasins, vous serez dédommagé de cette dépense. La règle pour l’épaísseur de la terre qui couvre les fourneaux, n’est point arbitraire ; il faut que la fumée & la flamme ne puissent passer que dans les endroits qu’on le souhaite. Trop de terre empêchera la cuisson de la partie qui lui est contiguë : il y a des sels qui s’évaporent avec les fumées ; ne seroit-ce point ces-sels qui les rendent si dangereuses ? Quand le feu est dans un fourneau, il faut veiller s’il marche également ; s’il se jette d’un côté, couvrez-le de fasins, & donnez jour dans le voisinage. Quand le milieu commence à s’affaisser, couvrez-le bien, & piquez dans des environs & au bas ; si une partie paroît résister au feu, tandis que le reste passe, ouvrez, & laissez-la s’enflammer à l’air libre ; quand le feu y aura bien mordu, couvrez. Ne pressez jamais un fourneau : comme il ne peut aller vîte qu’en prenant beaucoup d’air, outre une grande diminution, le charbon qui reste a beaucoup perdu de ses parties inflammables, comme on le voit à sa grande division & légèreté.

Le charbon doit naturellement rester pénétré des qualités du bois. Aussi voyons-nous que celui venu & cuit dans l’arbue résiste long-temps au feu ; & celui venu dans la castine s’évapore aisément : la pesanteur est une règle aussi assurée pour le charbon que pour le bois. II est aisé de se convaincre que deux morceaux de bois sec de même dimension, l’un venu dans l’arbue, l’autre dans la castine, pèsent, après leur réduction bien faite en charbon, dans la méme proportion qu’ils étoient avant : le charbon le plus lourd tient le feu le plus long-temps.

On sent bien que le bois de pied & du dessus ; tant dans les fourneaux, c’est avoir mélangé le fort et le foible : il est rare, avec cela, de n’avoir pas, dans de grosses exploitations, quelques espèces de bois léger ; en tous cas, quand vous aurez des bois différens par la nature du fond, le plus expédient est de mélanger les charbons dans la proportion du mélange des mines ; dix parties du charbon venu dans l’arbue, quatre de celui venu dans la castine, cela réussit bien à l’expérience & au travail. Le charbon vigoureux convient bien aux fourneaux dans lesquels on cherche à concentrer la chaleur, & où on emploie la force de l’air ; il convient encore à la macération des fontes, &c.

Pour les fours des fonderies qui se chauffent avec du bois, je n’ai pas besoin de dire que ceux venus dans la pierraille donnent une flamme plus passagère, mais plus vive & plus prompte, & conséquemment conviennent mieux.

II est aisé de conclure qu’ayant besoin pour cuire le charbon, d’une certaine épaisseur de terre & de fasins, soutenue par la feuille sur les fourneaux ; les grandes pluies qui entassent, battent & entraînent, les gelées qui soulèvent, les grandes chaleurs qui raréfient, les vents qui dérangent, y sont très-préjudiciables : le plus expédient est de choisir le temps qui paroît le moins sujet à ces inconvéniens ; mars, avril, septembre & octobre, paroissent les plus propres ; on doit en profiter, pour faire la provision nécessaire : pour cet effet, il faut des voituriers, des releveurs de charbon.

En général, les halles doivent être au vent du nord des usines : cette exposition est moins dangereuse pour le feu. Les uns les font bâtir solidement & à demeure ; les autres ont une carcasse en bois, dont les côtés ont des coulisses qu’on garnit de planches, ainsi que le dessus, à mesure que le charbon arrive : par ce moyen, on les alonge tant qu’on juge à propos. Le charbon craint sur toutes choses l’humidité : ainsi il ne faut point tarder, quand il est cuit, à le voiturer & le mettre à l’apri ; plus il est brisé, plus à l’air seul il perd de ses parties inflammables. Le charbon récent donne de la chaleur, mais il est bientôt consumé : la raison est qu’ayant tous les pores ouverts, il est plus disposé à une prompte dissolution par une inflammation totale. Il est utile que le refroidissement ait fermé ses pores, pour ne se prêter qu’à une inflammation successive : sur toutes choses, garantissez-le de l’humidité.

La façon de voiturer les charbons n’est pas égale par-tout : les uns se servent de voitures à quatre roues, qu’on renverse ; mauvaise méthode qui en écrase une grande quantité : d’autres se servent de bennes sur deux roues, avec des claies par-dessous, qu’on ouvre pour le laisser couler : d’autres se servent de sacs qu’ils chargent sur des bêtes de somme ; la meilleure manière est celle qui brise moins. La façon de mesurer le charbon est aussi différente ; on parle de muid, de van, de basche, &c. Quand nous aurons besoin d’une dimension, nous la déterminerons par pieds : par exemple, un van de Bourgogne équivaut à cinq pieds cubes,

Arts & Métiers, Tome II, Partie II.
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