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FER – FER


dit ordinairement une queue de mines, ce qui devroit naturellement être de la même dimension qu’une queue de vin, divisée en muids & feuillettes. La feuillette à mine est de bois de fente, reliée en cercles de fer, avec des poignées extérieures attachées au cercle du milieu sans fond, pour que les ouvriers, quand elle est pleine, puissent aisément l’enlever.

Art. VI. Des réservoirs & de la dépense de l’eau.

L’eau est pour les forges une puissance nécessaire, dont on ne tire pas tout l’avantage possible sans beaucoup d’intelligence, de travail & de dépense. La première attention, quand vous voulez bâtir une forge, est de bien connoître si vous en pouvez rassembler assez, à quelle hauteur, & vous débarrasser de l’excédent.

Chacun fait que pour donner de la force aux liqueurs, il faut les ramasser en grands volumes ; & que pour fournir à une grande dépense, il faut des réservoirs spacieux. Pour joindre la hauteur & l’espace, on cherche l'endroit le plus favorable pour établir une chaussée ; & cette chaussée est percée de deux ouvertures : la première est distribuée en plusieurs cases, fermées de pelles ou pales, qu’on lève ou qu’on baisse pour donner une quantité déterminée d’eau ; cela s’appelle l’empalement du travail : la seconde est distribuée également, pour servir de décharge à l’excédent de l’eau, & s’appelle l’empalement de décharge.

Il n’est pas nécessaire de dire qu’il ne faut pas entreprendre la construction d’une forge, si par le calcul d’avance, il est clair qu’on ne puisse pas ramasser assez d’eau, & à une telle hauteur ; la hauteur de la chaussée décide de la hauteur de l’eau : quant à l’espace, il faut être bien assuré que cette élévation ne pourra préjudicier aux héritages voisins.

Une chose essentielle à savoir, c’est que les eaux retenues contre un empalement de travail, en plus grande abondance qu’il n’en laisse échapper, obligées par conséquent de retourner à l’empalement de décharge, pour trouver une sortie, proportionnée à leur quantité, s’élèvent en reculant d’environ un pouce pour dix toises. Il suit de cette expérience, que le plus avantageux pour augmenter la force de l’eau, est d’avoir un empalement de décharge très-éloigné de celui du travail, puisque l’eau sera pressée de l’élévation d’environ un pouce par dix toiles. Pour cet effet, quand vous voudrez ramasser toutes les eaux des petits ruisseaux, fontaines, étangs, rivières peu considérables, pour la dépense de votre travail ; au point de la jonction de plusieurs eaux, établissez l’empalement de décharge ; &, de ce même point, faites creuser un canal le plus long que vous pourrez, au bout duquel vous établirez l’empalement de travail : vous gagnerez de la hauteur d’eau relativement à la pente du terrain, & à son éloignement de l’empalement de décharge.

Comme l’empalement de décharge tire de l’eau du fond, il y a lieu de penser qu’il pourroit faire perdre une partie du fruit qu’on attend de son éloignement de celui du travail, quand une petite crue d’eau le fait lever ; pour prévenir cet inconvénient, on laisse l’empalement pour les grandes crues d’eau, & à côté on bâtit un roulis qui débarrasse du superflu de l’ordinaire.

Quand vous voulez bâtir une forge sur une rivière abondante, & que vous n’avez besoin que d’une partie de l’eau, il faut, le plus loin que vous pourrez de l’empalement du travail, faire un arrêt qui traverse la rivière, & qui tourne l’eau dans un canal creusé & alongé : le reste doit passer sur l’arrêt. On peut ménager des portes pour le passage des grandes eaux & usage de la rivière.

Si l’empalement de travail donne assez de hauteur à l’eau pour faire travailler les roues par dessus, vous ferez une huche qui la distribuera sur des roues à seaux : si vous n’avez pas assez de hauteur, vous prendrez l’eau du fond, qui, distribuée dans des coursiers, fera mouvoir des roues à aubes.

Quoiques ces parties soient détaillées chacune à leurs articles ; pour mettre le tout sous les yeux, nous allons les parcourir, sans entrer dans de trop grands détails.

Il ne faut rien ménager ni oublier, quand il est question de faire des fondations d’empalemens, de roulis, d’arrêts, &c. Détournez les eaux autant qu’il est possible ; excavez ; cherchez le terrain ferme ; ou servez-vous de pilots ou de grillages, & employez de bons matériaux.

Pour un empalement de décharge, quand vous serez élevé à un pied près du fond de l’eau, établissez un bon grillage qui avance de dix à douze pieds dans l’eau, & soit assez grand pour garnir tout l’intérieur des bajoyers, & entrer sous la maçonnerie qui s’élève à chaque bout du seuil.

Le seuil ou sous-gravier sera encoché dans le grillage, & arrêté à ses extrémités sous la maçonnerie : dans le dessus, vous emmortaiserez ces bois de séparation, dans lesquels vous ménagerez des feuillures du côté de l’eau, pour y couler les pelles : ces bois de séparation s’appellent potilles : les potilles sont emmortaisées par en-haut dans une forte pièce de bois, qu’on appelle chapeau. Les potilles seront soutenues dehors par des bras, arrêtés dans les traversines du châssis : ces bois posés & arrêtés, vous élevez une maçonnerie assez forte pour résister à la poussée de l’eau, laquelle embrasse aux deux tiers la potille des bouts. Cette maçonnerie s’élargit du côté du bas, pour diminuer la force de l’eau, en lui donnant plus d’espace ; on remplit les vuides du grillage avec pierre, chaux & sable, ou de glaise bien corroyée, & on cloue dessus des planches bien dressées & épaisses ; pour plus grande sûreté, on garnit le devant & le derrière du grillage de pieux très-proches, bien enracinés, & sciés à fleur.

Les pelles sont des planches clouées ou chevillées sur deux traverses, & une pièce de bois de trois a quatre pouces d’écarrissage, qui lui sert de queue.