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plus de bled en un jour, sans qu'il reste un seul grain dans les épis, que quarante hommes ne sauroient en battre dans leur journée, en suivant les méthodes ordinaires.

On construit un hangard, plus ou moins grand, dans un emplacement plat & commode, sur le bord d'une rivière ou d'un ruisseau, pour y former un canal ; on affermit le terrain où l’on veut établir la machine, & on l’unit de façon que la caisse du bled roule à plomb ; & afin que les roulettes qui la supportent ne puissent pas tracer sur le terrein des ornières trop profondes, on y met des plateaux en dessous. On plante ensuite deux piliers qui servent de pivots à un grand rouleau, dont la grandeur & le diamètre doivent être relatifs à l'étendue qu'on veut donner à la caisse ; on attache à ce rouleau plusieurs rangs de chevilles de bois ou de dents.

A un de ses bouts, qui est au-delà du pilier qui le soutient, ce rouleau a un petit lanternon qui s'engrène dans les dents d'une roue à éperon, que l’on a attachée à l'arbre de la grande roue à gourgolles, lorsqu'on peut avoir une chute d'eau ; ou à aubes ou palettes, qui sont des planches fixées à la circonférence de la roue, lorsqu'elle est placée dans le lit de la rivière, ou enfin à couronne, c'est-à-dire, dont les dents sont posées verticalement, lorsque ce sont des hommes ou des chevaux qui la tournent : dans quelque position qu'elle soit, il est aisé d'en arrêter le mouvement quand on le juge à propos.

La caisse ou plate-forme, sur laquelle le bled est étendu, doit être plus longue que large, avoir des bords d'un demi-pied de hauteur tout autour, afin que le grain ne puisse pas en sortir ; être soulevée par quatre rangs de roulettes qui servent à la faire aller & venir légèrement sur le plancher qui doit être deux fois plus long que la plate-forme. Les piliers qui soutiennent le rouleau, sont placés exactement à la moitié de la longueur du sol ou plancher, pour empêcher la caisse de s'en écarter, lui servir de borne, & la tenir toujours sous le rouleau, de façon qu'en avançant une fois, & en retournant au point où elle est partie, les épis sont parfaitement dépouillés, parce qu'il n'y en a aucun qui n'ait reçu un grand nombre de coup de fléaux, que le rouleau fait élever avec ses dents, & ensuite retomber. Plus les dents de la grande roue à couronne sont serrées, plus le jeu du rouleau est égal. Les chevilles dont il est garni dans sa circonférence, s'accrochent en passant à tous les battoirs ou fléaux, elles les soulèvent sans cesse & les relâchent ; en retombant, ils frappent les épis qui, lorsqu'ils font secs, se dépouillent sans peine de leurs grains par les coups successifs qu'ils reçoivent. Ces fléaux ne sortent jamais de leur place, & ne peuvent point se déranger, parce


qu'ils sont assez près & assez ferrés pour ne pouvoir pas se croiser les uns sur les autres. Lorsqu'ils s'élèvent ou qu'ils retombent, le liteau qui traverse la caisse, & auquel ils sont suspendus avec une corde, ne les laisse jamais sorrir du point où ils doivent être, soit en s'élevant, soir en tombant, parce qu'un boulon de fer les traverse & les unit tous. De cette manière de procéder, on ne perd pas un instant ; les hommes ou les chevaux qui ont servi à faire aller la machine, prennent haleine & se reposent pendant qu'on remet de nouvelles gerbes. Ces fléaux sont mis sur une barre de fer qui traverse la caisse, & qui tient à deux autres piliers, distants des premiers de la longueur des fléaux qui sont courbes des deux côtés, afin qu'en portant sur la barre de fer, & en s'engrenant aux dents du rouleau, ils tombent à plat sur la paille.

La plate-forme est mise en mouvement par une manette destinée à guider une barre ou pièce de bois qui entre à chaque bout dans l'un des crans de la roue à crochet, qui est arrêtée à chaque dent par un cliquet ou ressort, de façon que les épis vont & reviennent successivement sous les fléaux. Ce cliquet arrête la plate-forme, lorsque la branche se retire pour venir reprendre la dent suivante. L'arbre de la roue à crochet traverse le sol ; on y entortille une corde aussi longue que la caisse à laquelle elle est attachée : à mesure que la roue à crochet tourne, la corde se roule dans son arbre, & tire nécessairement la caisse, jusqu'à ce qu'elle le touche ; alors on ôte le cliquet, on sort de la manivelle la branche de bois ou de fer avec une fourche, on pose une autre branche & un autre cliquet sur la roue à crochet qui est du côté opposé de la caisse ; la corde s'entortille de nouveau à l'arbre dans un sens différent, & par ce moyen elle est obligée de revenir à l’endroit d'où elle étoit partie ; après son retour, on arrête la roue pour donner le temps d'enlever la paille & de mettre d'autres gerbes.

Cette opération est si prompte qu'on bat, au moyen de cette machine, quatre paillées pendant le temps que huit hommes en feroient une ; & comme les batteurs ne peuvent en faire tout au plus que huit par jour, on en gagnerait vingt-quatre de plus, sans compter celles qu'on seroit pendant le temps qu'ils prennent leur repas ou qu'ils se reposent ; ainsi on auroit au moins par jour trente paillées de plus.

Quel avantage n'en résulteroit-il pas pour les fermiers qui sont souvent obligés d'attendre longtemps pour faire battre leurs bleds, parce que les batteurs sont rares ou qu'ils sont occupés à achever de lever leur récolte ! Une ou deux de ces machines suffiroient pour toutes les fermes qui dépendent d'un village ; il en coûteroit beau-


coup