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La nécessité de conserver les moulins à eau est un obstacle au projet de rendre beaucoup de rivières flotables ou navigables. On ne doit pas, pour le bien du commerce, détruire des usines aussi importantes que des moulins, à moins qu’on ne les remplace.

Dans les rivières navigables, où il y a des moulins, souvent ces moulins causent de la gêne à la navigation.

Pour entretenir certains moulins, on arrête le cours des eaux, qui alors séjournent dans des prairies, & en font des marais infects, & capables de causer des maladies funestes aux hommes, tandis que si les moulinsi n’y étoient plus, on rendroit ces prairies fertiles, & le pays très-sain.

Il y a des cantons où l’agriculture a besoin qu’on arrose de tems en tems les prés, qui sans cela ne rapporteroient pas, ou rapporteroient peu. Cet arrosement, qui ne peut se faire qu’en suspendant le cours des rivières, est impossible, lorsqu’elles ne fournissent que de quoi entretenir les moulins.

La multiplication des moulins à manège & à bras de Durand, remédieroit à ces inconvéniens. On ne craindroit pas d’ordonner la suppression de beaucoup de moulins à eau, & le remboursement des propriétaires.

Les particuliers peuvent retirer beaucoup d’économie des moulins à bras. Pour droit de mouture, les meuniers ne doivent prendre que le seizième, ou le douzième, suivant l’usage du pays. Le plus souvent, ils prennent davantage. Il est inconcevable que jamais on n’ait pensé à établir une police sur les meuniers. J’ai envoyé exprès à un moulin du froment, que j’ai pesé auparavant. Au retour, ce qui m’a été rendu en farine & en son pesoit un sixième de moins. Je ne connois pas d’impôt plus fort. Qu’on suppose le froment à 36 livres le setier, comme nous l’avons vu ; il a même été vendu beaucoup plus cher. Il en coûte six livres à l’homme qui envoie un setier de froment au moulin, avant qu’il puisse en manger le premier morceau de gain.

Il arrive fréquemment que du bon grain, envoyé au moulin, est changé par le meunier, qui substitue du grain inférieur ou altéré, dont on retire moins de pain, & du pain de mauvaise qualité ; ce qui augmente encore les frais de la mouture.

Les déchets au moulin à eau sont au moins de six livres pesant par setier, au dire des meûniers. Ils sont bien plus foibles dans les moulins à manége ; dans les moulins à bras, il n’y en a presque pas.

Si on avoit chez soi un de ces moulins, on éviteroit donc d’être volé ; on mangeroit le pain de son véritable grain, & on n’éprouveroit que très-peu de déchet.

Les moulins à bras peuvent se placer par-tout, & par conséquent être à portée de ceux qui doivent les veiller ou s’en servir. J’en ai vu chez Durand qui n’avoient, y compris le blureau, que cinq pieds & demi de longueur, sur deux pieds dans leur plus grande largeur. Le très-grand vent, la gelée, la sécheresse, les inondations, rien ne les arrête. Dans les villes assiégées, ils seroient fort utiles. En hiver, lorsque le tems ne permet pas de travailler au-dehors, les ouvriers s’occuperoient à moudre. Les fermiers dont les domestiques, lors de la neige ou de la gelée, sont oisifs, les emploieroient à ce travail, qui procureroit pour une partie de l’année de la farine aussi commode à garder que le froment.

Le C. Parmentier, persuadé de tous ces avantages, pense avec raison que, quelques soient la mécanique & la construction des moulins à bras de Durand, on ne peut en donner le soin au premier venu ; qu’il est nécessaire que celui qui en achetera, ou la personne en laquelle il a confiance, ait les principales connoissances de la mouture ; sans cela, les moulins seront mal conduits ; on n’en retirera pas ce qu’on pourroit en retirer, & on rejetera sur la machine, qui est très-bonne, ce qui vient de la faute de ceux qui l’auront conduite. Appeler un meunier à son secours pour la réparer, ou pour l’entretenir, ce seroit s’exposer à la voir détruire entièrement, ou à la voir tellement altérer, qu’il ne seroit plus possible de s’en servir ; car les meûniers ordinaires ont un grand intérêt à empêcher l’introduction & l’usage des moulins à bras.

Si les propriétaires de ces moulins, ou leurs hommes de confiance ne se familiarisent pas avec les principales pièces, les ouvriers, pour se soulager, quand ils les tourneront, desserreront les meules, & les moulins donneront trop de son.

Le moyen de tirer parti de ces moulins, & d’éviter les petits inconvéniens auxquels ils sont sujets, c’est de donner à ceux qui les posséderont, des notions courtes, simples & à leur portée, des règles & des principes de la mouture. Il faudroit qu’une instruction bien faite en accompagnât toujours l’envoi, & même qu’on l’affichât dans les endroits où on placera ces moulins. Elle servirait de guide & d’apprentissage. Tel est l’avis du C. Parmentier : cet avis est très-sage. Il doit s’occuper de cette instruction quand il aura fait de nouvelles expériences, en