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tivateur de Montreuil, qui tailla en sa présence plusieurs arbres ; mais Laquintinie, jaloux ou enthousiaste de sa propre méthode, se hâta de le congédier, & Pépin de retourner à son village y cultiver l’héritage de ses pères.

Formation des jardins fruitiers.

Ils supposent nécessairement une plus grande profondeur à la couche de terre végétale que celle des légumiers, afin que le pivot des arbres plonge & s'enfonce sans contrainte, & sur-tout sans être forcé de s'étendre horisontalement. Ceci demande des développemens & éprouvera beaucoup de contradiction.

J'établis en principes, 1°. qu'on ne doit planter aucun arbre dépouillé de son pivot. 2°. Que tout arbre doit être greffé franc sur franc ; il résulte donc de ces deux assertions que, pour se procurer un bon & excellent jardin fruitier, il faut une couche de terre qui ait beaucoup de profondeur. On concluroit à tort qu'on désapprouve les jardins fruitiers dont la couche de terre franche n'a que trois ou quatre pieds, & qui porte sur une couche de gravier ou de pierrailles, &c. Lorsqu'il n'est pas possible de se procurer un autre sol, on est forcé de se contenter de celui-là ; il est inutile alors de laisser le pivot, & de ne planter que des arbres greffés franc sur franc. Ces exceptions ne détruisent pas les deux assertions générales, elles les confirment, au contraire, puisque nulle règle sans exception. Mais je persiste à dire que celui qui est assez heureux pour avoir un grand fonds de terre & de bonne terre, doit en profiter & en tirer le meilleur parti. Je conviens que des arbres ainsi plantés resteront plus long-tems à se mettre à fruit, sur-tout s'ils sont taillés suivant la méthode ordinaire ; que certaines espèces réussissent mieux greffées sur coignassier, sur prunier, &c. il ne s'agit ici pas de quelques exceptions particulières, mais de la masse des arbres fruitiers considérée dans son ensemble ; En suivant les procédés que j'indique, on ne sera pas obligé de remplacer chaque année un grand nombre d'arbres & souvent un tiers ou une moitié après la première année de la plantation ; enfin, on aura des arbres forts & vigoureux qui subsisteront pendant plusieurs générations d'hommes. J'ose dire plus, si un particulier avoit la patience d'attendre, je lui conseillerois de semer sur place le pépin, le noyau, &c. ; de cultiver leur produit avec les mêmes soins que les semis des pépinières ; enfin, de greffer lorsque les troncs auroient acquis la grosseur convenable & déterminée pour recevoir la greffe. La beauté & la durée de tels arbres bien-conduits, feroient époque dans le canton, sur-tout si on n'avoit pas eu la manie de les semer trop près les uns


des autres ; on auroit alors l’arbre naturel & l'arbre dans toute sa force. Que l’on considère dans une forêt l’arbre venu de brin ou celui venu sur couche, & on décidera auquel des deux on doit donner la préférence. Il en est ainsi de l’arbre fruitier. Je sais que la greffe s'oppose à la grande & naturelle extension de l’arbre ; mais, par exemple, les abricotiers à noyau doux n'ont pas besoin d'être greffés pour produire leurs espèces, ainsi que plusieurs autres fruits à noyau. Je demande si on pourra comparer avec eux, pour la force, pour la vigueur, un abricotier, un pêcher greffé sur un prunier ou sur un amandier, &c. &c. ? si le pommier ou le poirier sont aussi vigoureux greffés sur coignassier que sur franc ? enfin, si un arbre quelconque, dont on a supprimé le pivot, végète aussi rapidement & dure autant que celui dont on a ménagé le pivot, & sur-tout que celui qui a été semé à demeure ? Nier ces faits, c'est vouloir se refuser à l’évidence, il y a très-peu d'exceptions à cette loi. L'on veut jouir & jouir promptement, dès-lors il faut contrarier la nature, & l’arbre, par une caducité précoce, la venge des lois qu'on a violées.

Il est très-ordinaire de voir, dans un jardin fruitier, les arbres à fruits d'été, d'automne & d'hiver, mêlés indistinctement les uns avec les autres ; on ne sépare pas plus les arbres dont la végétation a une force, par exemple, comme douze de ceux dont le degré de végétation n'excédé pas six. Il résulte de ces bigarrures, qu'une allée, qu'une partie d'un espalier sont dégarnis de fruits & de feuilles, tandis que les arbres de certaines places en sont chargés. Il vaut beaucoup mieux destiner un emplacement pour chaque espèce en particulier ; par exemple, tous les bonc-chrétiens d'été ensemble, &c. &c. Il en est ainsi pour les arbres inégaux en végétation. N’est-il pas plus agréable à voir dans une allée des arbres taillés, soit en éventail, soit en buisson, & tous de la même force & de la même hauteur, plutôt que d'en voir l’un plus haut, l'autre plus bas ? Le jardinier aura beau tailler long ou court, par exemple, une arménie panachée, ses branches ne s'élèveront, ne s'étendront & ne se feuilleront jamais autant que celles d'un dagobert, &c. ; le premier aura perdu ses feuilles à la première matinée fraîche, tandis que l'autre ne se dépouillera qu'aux gelées. Que d'exemples pareils il seroit facile de rapporter !

J'insiste sur la séparation des espèces, afin que le jardinier ne fasse point de méprise à la taille. L'homme instruit connoît la qualité de l’arbre à la seule inspection du bois ; mais, pour parvenir à ce point de certitude, il faut une longue pratique, & sur-tout avoir l’art de bien observer. Un autre avantage qui résulte de cette séparation, consiste dans la facile cueillette des fruits,