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ni servir le danseur, ni convenir à une action vive ; Il ne s’agit donc point d’assembler simplement des notes suivant les règles de l’école : la succession harmonique des tons doit, dans cette circonstance, imiter ceux de la nature, & l’inflexion juste des sons présenter l’image du dialogue.

Je ne blâme point généralement les entrées seules de l’opéra ; j’en admire les beautés souvent disperfées, mais j’en voudrois moins. Le trop en tout genre devient ennuyeux ; je désirerois encore plus de variété dans l’exécution : car rien n’est si ridicule que de voir danser les bergers de Tempé, comme les divinités de l’Olympe. Les habits & les caractères étant sans nombre à ce spectacle, je souhaiterois que la danse ne fût pas toujours la même ; cette uniformité choquante disparoîtroit sans doute, si les danseurs étudioient le caractère de l’homme qu’ils doivent représenter, s’ils saisissoient ses mœurs, les usages & ses coutumes. Ce n’est qu’en se substituant à la place du héros & du personnage qu’on joue, que l’on peut parvenir à le rendre & à l’imiter parraitement. Personne ne rend plus de justice que moi aux entrées seules dansées par les premiers sujets ; ils y déploient toutes les beautés méchaniques des mouvements harmonieux du corps ; mais desirer & faire des vœux pour que ces mêmes sujets faits pour s’illustrer, mêlent quelquefois aux graces du corps les mouvements de l’ame ; ambitionner de les admirer sous une forme plus séduifante, & de n’être pas borné enfin à les contempler uniquement comme de belles machines bien combinées & bien proportionnées, ce n’est pas, je crois, mépriser leur exécution, avilir leur talent & décrier leur genre ; c’est exactement les engager à l’embellir & à l’annoblir.

Passons au vêtement. La variété & la vérité dans le costume y sont aussi rares que dans la musique, dans les ballets & dans la danse simple. L’entêtement est égal dans toutes les parties de l’opéra ; il préfide en souverain à ce spectacle. Grec, Romain, Berger, Chasseur, Guerrier, Faune, Sylvain, Jeux, Plaisirs, Ris, Tritons, Vents, Feux, Songes, Grand-Prêtre & Sacrificateurs, touts les habits de ces personnages sont coupés sur le même patron, & ne diffèrent que par la couleur & les embellissements que la profusion, bien plus que le goût, jette au hasard. L’oripeau brille par-tout : le paysan, le Matelot & le Héros en sont également chargés. Plus un habit est garni de colifichets, de paillettes, de gaze & de réseau, & plus il a de mérite aux yeux de l’acteur & du spectateur sans goût. Rien n’est si singulier que de voir à l’opéra une troupe de guerriers qui viennent de combattre, de dîsputer & de remporter la victoire. Traînent-ils après eux l’horreur du carnage ? leur physionomie paroît-elle animée ? leurs regards sont ils encore terribles ? leurs cheveux sont-ils épars & dérangés ? Non, rien de tout cela ; ils sont parés avec le dernier scrupule, & ils ressemblent plutôt à des hommes efféminés, sortant des mains du baigneur, qu’à des guerriers échappés à celles de l’ennemi. Que devient la vérité ? où est la vraisemblance ? d’où naîtra l’illusion ? & comment n’être pas choqué d’une action si fausse & si mal rendue ? Il faut de la décence au théâtre, j’en conviens ; mais il faut, avant tout, de la vérité & du naturel dans l’action, du nerf & de la vigueur dans les tableaux, & un désordre bien entendu dans tout ce qui en exige. Je ne voudrois plus de ces tonnelets roides qui, dans certaines positions de la danse, placent, pour ainsi dire, la hanche à l’épaule, & qui en éclipsent touts les contours. Je bannirois tout arrangement symmétrique dans les habits, arrangement froid qui désigne l’art sans goût & qui n a nulle grace. J’aimerois mieux des draperies simples & légères, contrastées par les couleurs, & distribuées de façon à me laisser voir la taille du danseur. Je les voudrois légères, sans cependant que l’étoffe fut ménagée ; de beaux plis, de belles maffes, voilà ce que je demande ; & l’extrémité de ces draperies voltigeant & prenant de nouvelles formes, à mesure que l’exécution deviendroit plus vive & plus animée, tout auroit l’air svelte. Un élan, un pas vif, une suite, agiteroient la draperie dans des sens différents ; voilà ce qui prêteroit de l’agrément aux attitudes & de l’élégance aux positions ; voilà enfin ce qui donneroit au danseur cet air leste qu’il ne peut avoir sous le harnois gothique de l’opéra. Je diminuerois des trois quarts les paniers ridicules de nos danseuses ; ils s’opposent également à la liberté, à la vîtesse & à l’action prompte & animée de la danse ; ils privent encore la taille de son élégance & des justes proponions qu’elle doit avoir ; ils diminuent l’agrément des bras, ils enterrent, pour ainsi dire, les graces ; ils contraignent & gênent la danseuse à un tel point, que le mouvement de son panier l’occupe quelquefois plus sérieusement que celui de ses bras & de ses jambes. Tout acteur au théâtre doit être libre ; il ne doit pas même recevoir des entraves du rôle & du personnage qu’il a à représenter. Si son imagination est partagée, si la mode d’un costume ridicule le gêne au point d’être accablé par son habit, d’en sentir le poids & d’oublier son rôle, de gémir enfin sous le faix qui l’affomme, peut-il avoir de l’aisance & de la chaleur ? Il doit dès-lors se délivrer d’une mode qui appauvrit l’art & qui empêche le talent de se montrer. Mademoiselle Clairon, actrice inimitable, faire pour secouer les usages adoptés par l’habitude, supprima les paniers, & les supprima sans préparation & sans ménagement. Le vrai talent sait s’affranchir des lois de la routine. Le même goût qui porta l’art de cette grande actrice à un si haut degré de perfection, lui fit sentir le ridicule de ces anciens costumes du théâtre ; & cherchant à rendre, à imiter la nature dans son jeu, elle pensa, avec raison, qu’il falloit la suivre dans les habillements. Le caprice ne conduisit point Mademoiselle Clairon, lorsqu’elle se dépouilla d’un ornement aussi ridicule qu’embarrassant ; c’est qu’elle

Equitation, Escrime & Danse,
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