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tiens firent contre les Génois en 1366, où des Allemands leur apportèrent deux petites pièces d’artillerie avec des boulets en plomb : cependant le Père Daniel, dans sa Milice française, assure que l’on s’en servoit en France sous Philippe de Valois, en 1338.

Les premières pièces furent construites avec de la tôle que l’on entouroit de cercles de fer, mais leur défectuosité ayant été bientôt reconnue, on en fit successivement en fer battu & en fer coulé : celles-ci étant sujettes à d’autres inconvéniens, on imagina l’amalgame du cuivre & de l’étain, qui forme la composition des bouches à feu dont on se sert encore ; mais comme le fer coulé est moins coûteux, on a conservé l’usage de pièces de ce métal pour le service de la marine, où l’on ne s’en sert ni aussi fréquemment, ni aussi long-temps de suite que dans les combats sur terre.

L’on a varié pendant bien des années sur le calibre & la longueur des canons : les premiers ont d’abord été très-petits ; mais comme on songea, dès le commencement, à produire avec le canon le même effet qu’avec les balistes pour ruiner les édifices, & que de petits boulets ne remplissoient pas cet objet, on chercha à en augmenter le poids en leur donnant un plus grand diamètre.

Les boulets de pierre que l’on a trouvés en différens endroits du royaume, dont quelques-uns pesoient jusqu’à cent quatre-vingts livres, font une preuve de cette assertion. La grosseur des boulets a été augmentée au point que Louis XI, le premier des rois de France sous lequel l’artillerie a commencé à être un peu considérable, fit fondre un canon qui portoit un boulet de cinq cents livres depuis la Bastille jusqu’à Charenton (cette bombarde, qui fut fondue à Tours par Jean Mangné, creva au deuxième coup, & les éclats tuèrent le fondeur & plus de vingt personnes). La difficulté de manœuvrer de telles bouches à feu fit diminuer peu à peu leur grosseur : cependant, sous François Ier. l’on en avoit dont le boulet pesoit cinquante livres. Comme elles étoient encore trop pesantes, on les réduisit, sous Louis XIV, à de moindres dimensions, & on les fit différentes de longueur & de calibre, selon qu’elles étoient destinées pour la guerre de campagne ou pour la guerre de siége.

Livrée dans les premiers temps à une aveugle routine, on étoit loin de penser que l’artillerie moderne put être guidée dans la pratique par des règles scientifiques : deux cents ans s’étoient écoulés depuis sa naissance, avant qu’on pût imaginer qu’elle pouvoit dépendre d’une théorie fondée sur la géométrie. On a à présent des données suffisantes pour résoudre le problème le plus important de la balistique ; celui par lequel, connoissant la force de la poudre, on propose de diriger une pièce de canon de manière que le boulet aille frapper un but de position connue ; & le savant Lombard a calculé des tables qui en présentent la


solution dans tous les cas : mais c’est surtout au général Gribeauval qu’est due la supériorité de l’artillerie française sur celle de toutes les autres nations. Cet homme de génie, en créant un nouveau matériel, avoit presque tout calculé, tout prévu & tout pesé, en sorte qu’il ne reste plus guère qu’à l’améliorer par des corrections & des modifications que le temps & l’expérience de la guerre ont provoquées.

L’artillerie actuelle peut être divisée en trois parties ; savoir : l’artillerie de campagne, l’artillerie de siége & de place, & l’artillerie de montagne. L’artillerie de campagne est composée de pièces de 12, de 8, de 4 & d’obusiers de 6 pouces. Elle est attachée aux divisions de l’armée, & elle a une réserve destinée pour les remplacemens & les consommations. La quantité de ces bouches à feu est proportionnée à la force des troupes & à la nature des pays dans lesquels on fait la guerre.

L’artillene de siége est composée de pièces des calibres de 24 & de 16, d’obusiers de 8 pouces & de mortiers de 10 pouces & de 8 pouces. Le nombre de ces bouches à feu varie en raison de la force des places qu’on se propose d’assiéger. Les pièces servant à la défense des places sont des mêmes calibres que celles employées à l’attaque ; mais on y joint des pièces de bataille, soit pour les sorties, soit pour la défense du chemin couvert & des ouvrages avancés, (voyez l’article Approvisionnement d’artillerie.

L’artillerie de montagne se compose de pièces légères, pour le transport desquelles on fait ordinairement usage de traîneaux. Les affûts sont portés à dos de mulet, lorsqu’on ne se sert pas d’affûts-traîneaux. (Voyez l’article Système d’artillerie.

ARTILLEUR. La partie la plus importante de son art consiste à diriger, en présence de l’ennemi, le tir des bouches à feu, à jeter des ponts pour le passage des fleuves & à construire des batteries dans les siéges. Chacune de ces opérations ne peut être exécutée avec discernement qu’autant qu’elle est éclairée par la théorie ; mais c’est surtout dans la construction de son matériel que l’artilleur doit réunir de grandes connoissances en mathématique, en chimie, en physique, en minéralogie & dans les arts graphiques. En effet, comment dirigera-t-il la fabrication de la poudre ? s’il ne sait pas, à l’aide de la chimie & de la physique, assigner par de justes proportions à chacune des matières qui la composent, la part qu’elle peut avoir à ses effets, & le développement des ressorts qui constituent sa force. Comment dirigera-t-il les fonderies de bouches à feu ? s’il ne connoît, à l’aide de ces sciences, le rapport entre la puissance & la résistance, la meilleure forme de fourneaux de fusion, l’alliage qui peut le mieux convenir à chaque calibre, & la justesse des procédés mécaniques par lesquels on parvient à la précision des dimensions. Comment diri-






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