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fortification, & l'on jette les terres du fossé que l'on veut faire, entre les boudins, qui sont rehaussés de nouveaux boudins placés sur les premiers avec la même attention, & ainsi jusqu'à ce que l'on ait donné à la fortification la hauteur que l'on desire.

Une place ainsi fortifiée a de grands avantages sur une place en terre. Le canon n y fait tout au plus qu'un trou qui ne pénétre pas, parce que l'effort du boulet amorti par le premier boudin, bien serré & lié, s'arrête au second, ou tout au plus au troisième.

Le feu y prend difficilement, parce que le boudin est toujours humide, à cause de la terre qui est entre les rangs de fascines : &, quand même l'artifice y prendroit un peu, cela ne causeroit aucune ruine à la fortification.

Les batteries en écharpe n'y font pas un grand effet, parce que le boulet ne peut qu'avec peine pénétrer ce boudin, bien lié , & piqueté fort avant dans la terre.

La bombe même qui tombe sur l'épaisseur de cette fortification l'endommage fort peu, parce que son effet est retenu par ces rangs redoublés de boudins, qui sont contigus, & toujours piquetés de près à près. Enfin je trouve cette nouvelle invention très utile dans les occasions, & ces places n'ont à craindre que la pourriture des fascines, qui arriveroit certainement au bout des deux ans.

Attaque du rocher des Quatredents en 1690.

J'ai été chargé de l'attaque d'un lieu ou camp retranché si bisarre, que je crois en devoir parler ici, parce que le sujet en sera fort instructif pour ceux qui se trouveroient dans une circonstance semblable à celle dont je vais parler.

Les Barbets étant rentrés dans la vaJiée de Saint-Martin à la fin de l'année 1689, je fus chargé au printemps de 1690 de leur faite la guerre, & de les chasser de ce pays.

Au fond de la vallée est un grand rocher presque séparé des autres montagnes, que l'on nomme les Quatredents à cause de sa figure. Ce rocher étoit la retraite que les Barbets avaient regardé de tout temps comme un asyle sûr, & dont ils firent usage dans les guerres qu'ils soutinrent contre le duc de Savoye, leur ancien souverain ; & ce fut ce lieu où je les remis bientôt ensemble.

La première difficulté qui se présenta fut celle de circonvaller ce rocher, où je voulois détruire touts les Barbets ; parce que les différentes combes qui faisoient tenir ce rocher aux autres montagnes, donnoient à ces gens-là des moyens surs de m'échapper d'un côté, pendant que je les attaquerois de l'autre. J'y réussis cependant par mon application à placer les troupes autour du rocher. Elles le furent de manière que, quoique la voix parvint d'une troupe à la plus voisine, il falloit marcher huit heures pendant le jour pour aller de l'une à l'autre ; parce que la communication la plus proche ne se trouvoit que par le fond de la combe qui


étoit entre le rocher des Quatredents & la troupe postée sur la montagne opposée à la demi portée du fusil des Barbets, & qu'aucun parapet n'auroit pu mettre à couvert de leur feu, vu la supériorité du rocher des Quatredents.

Lorsque la circonvallation fut faite, je m'appliquai à prendre des mesures julles pour une at- taqu.e généfale <le deux cotés•. Le roche. ~oit féparé des autres montagnes .par deux, tOrreats , . dans lefquehï , ·~1) certains jp~rs qu'il n~y avoit point de fontes de neige à la montagne , il y avoit peu d'eau ; mais le bord du torrent étoit couvert d'un parapet de gros cailloux ronds, derrière lequel les B~rbus fe. plaçoient pou_r tirer , & où la ron- deur de~ ca~loUJ ,ne laiffoit que de petits trOU$ pour .paifer.J~ bo,ut du fufil. .

De mon.côté, le tC?rrent ae pouvoit être ~bordé que par un p~tit ç,~tier pratiqué 4ans le rocher, où. J'on ne pouvoit marcher qu,'un homme de fr01l~ ; . mais , quand on étoit arrivé au bord du torrent ,

on pouvoit s'étendre à droite & à gauche , &

former W ,front ég~l à celui.du p,arapet, dJr:r.ière. lequel étoieo.t les . I,larbets.

Des deux autrRs ~.cptés , ~e r.ocher .te)~t aux 1 montôlf,R~s . ,- fans.tcm:;nt entrè-deux, môlos p~•de.s · ' coa1bes qui me .j>aroiiToieaç iqtpraticab~es.

Pour fotcer ce polle par une, auaq1,1e générale ; voici quelle fut ma difpofition. Comme je ne . · pouvais voir d'a~cun endroit l'effet de toutes mes attaques • je fis une difpofiùon particulière pour · chacune d,'elles. J .e .donn"i des l;ignau:c:, pour f~rc. connoître )l c~acu~ des attaq,qes l'.:lfet de celles; qu'elle ne pouvoit voir , & je plaçai fur un rocher tort éle- . é, & d'où l'on, voy_oit pr~fque :par-tolt, un officier intelligent avec ma .difpof~.ti9n générale par écrit 1 & un .drapeau pour taire les fignaux .lùivant mon intention, lorfqu'il feroit temps de les faire.

Je choisis !~ur l'attaque où je voulais être cell~ du bor ~u torn:!n'; parc~ que.je crus:que c'étoit celle-là où une plus grande attention feroit le plus néceiTaire.

Je fis faire pour cette àuaque par chaque foldat une (orte fafcine bien lerrllllt , plus grotTe que le corps , & larMe d'un grand piquet , qui J>ar der-- rière alloit julqu'à terre , & fervoit au foldat à porter la fafcine devant lui , pour être à couvert en marchant en avant , & pour la pofer droite , afin de . tirer cle temps en temps, à mefure qu'il s'approcherait du Lord du torrent. Mon intentie~n étoit de defcendre ainti le petit fentier l(Ui con- . duifoit au torrent, à couvert du feu de l'ennemi, & de m'étendre à droite & à gan&he, au(Ii à cou- vert par les fafcines ainÎI poiees de bout.

Je me mis en marche un peu avant le JOUr, de forte que , lorfqu'il parut, je me trouvai placé Je long du to~reitt, n'ayant eiTuyé jufques-là qu'un feu inœrtain.

J'av ois à force de cabellans fait fuivre ma marche d'uae petite pièce de quatre fort courte, sur un


Art militaire. Tome I. E e e