de l’antiquité, Palladio forma le projet de réaliser, dans la conception de son édifice, le plan donné par Vitruve de la Maison des Romains. Sur ce programme, il construisit, à l’entrée, un bel atrium corinthien, conduisant à une cour environnée de portiques, qui, par toutes ses dépendances, se rattachoit aux bâtimens d’habitation, à l’église et aux salles de services nécessaires. Déjà beaucoup de ces constructions étoient achevées, lorsqu’un incendie vint en détruire la plus grande partie. De tout cet ensemble, il n’est resté qu’un côté de la grande cour, une des salles et l’escalier en limaçon.
Dans le même temps on construisoit, sur ses dessins, le beau réfectoire de Saint-George-Majeur. Les religieux, enchantés du style pur et gracieux de Palladio, résolurent d’abattre leur ancienne église, en le chargeant d’en construire une nouvelle. C’est un des principaux ouvrages de notre architecte, et il y fit preuve d’autant de goût que de jugement, dans la manière d’adapter les maximes, les formes et les proportions de l’architecture antique, aux données, aux besoins et aux habitudes des Modernes, dans les églises chrétiennes, si différentes en tout des temples payens.
C’est ici que se montre bien à découvert cet esprit dans lequel nous avons déjà dit que Palladio sut imiter les Anciens, non pas en se plaçant dans leur siècle, mais en supposant ce qu’ils feroient eux-mêmes si, revenant au monde, ils se trouvoient dans le sien. Le système des Anciens dans la composition de leurs monumens, et, pour mieux dire, dans le développement qu’ils donnèrent à leur architecture, fut d’asseoir la forme extérieure de chaque genre d’édifice sur une raison élémentaire, puisée dans la nature des choses, c’est-à-dire, sa nature des usages consacrés par le besoin. Ce fut ainsi qu’à partir des premiers types qui servirent de rudimens aux parties constituantes de leurs ordonnances, ils se réglèrent progressivement dans le caractère de chaque monument, sur la forme primitive que la nécessité et les convenances qui en procèdent, lui avoient imprimée.
Palladio fit de même. Il ne trouva plus de rapport naturel entre la forme du temple payen et celle de l’église chrétienne. Au lieu de faire violence aux usages, aux dimensions, aux constructions, aux opinions reçues, il partit du type des basiliques chrétiennes, comme d’une donnée à laquelle l’art de la disposition et de la décoration se devoit conformer. L’usage étant d’élever très-haut la nef principale de l’église en lui subordonnant les nefs collatérales des bas côtés, il conserva cette division dans le frontispice de Saint-George-Majeur. Son portail se compose donc d’un grand ordre, exhaussé sur des piédestaux, et portant un fronton qui arrive au sommet du toit de la grande nef. Il suppose ensuite que les bas côtés auroient reçu un fronton commun, qui se trouve coupé par le grand ordre, et dont l’architecture a conservé seulement les parties rampantes avec l’entablement, que soutient un ordre de pilastres, de la moitié moins hauts que les colonnes du milieu. Ainsi se trouve accusée et laissée à découvert la disposition du corps de In construction de l’église ; et ce parti, qui n’est pas sans objection si l’on veut y appliquer la mesure d’une critique absolue, paroîtra toujours plus raisonnable, que ces devantures de portail qui, ne tenant en aucune manière au système de la bâtisse, ne semblent être que des placages et des hors-d’œuvres postiches.
L’intérieur de l’église de Saint-George-Majour forme une croix latine, dont les quatre nefs sont réunies par une coupole. On y trouve partout un caractère sage, une exécution précieuse, et un style de détails simples, nobles et bien ordonnés. Le chœur, qui semble avoir été une addition au plan primitif, offre une imitation si exacte de l’antique dans l’ordonnance des fenêtres, qu’on croît y reconnoître la disposition des niches du temple vulgairement appelé temple de Diane, à Nimes, que Palladio avoit vu, dessiné et mesuré avec les autres antiquités de celle ville.
Il suivit le même système de façade dans le frontispice qu’il fut chargé de faire à l’église de San-Francesco della Vigna, ouvrage de Sansovino, qui lui avoit destine un autre portail. Mais le projet de Palladio eut la préférence. C’est encore un grand ordre corinthien, placé en avant et jusqu’à la hauteur de la grande nef, et coupant l’entablement d’un petit ordre adapté aux bas côtés, qui sont indiqués par une portion de la pente de leur toit.
Le Sénat chargea Palladio de la construction de l’église du Rédempteur, monument élevé en actions de grâce de la cessation de la peste, qui fit les plus grands ravages en 1576. On admire la simplicité du plan intérieur, la noblesse de son ordonnance corinthienne, et l’heureuse disposition des chapelles latérales qui occupent la place des bas côtés et en tiennent lieu, jusqu’à un certain point, par l’effet d’un passage qui conduit d’une chapelle à l’autre. Palladio fut encore fidèle au parti de décoration qu’il avoit adopté dans les frontispices d’église. Toujours portions rampantes de fronton pour les bas côtés ; toujours un grand ordre, avec fronton, pour la nef : ici toutefois le fronton s’élève moins haut. Il y a au-dessus un attique qui va chercher la croupe du toit de l’église.
On attribue encore à Palladio d’autres églises d’une moindre dimension, mais qui, quand même elles seroient son ouvrage, ajouteroient peu de chose à la gloire de leur auteur.
Ces grands travaux n’empêchoient pas le célèbre artiste vicentin de travailler pour sa ville, où l’on se faisoit un devoir de le charger de tous les ouvrages importans. Ainsi, en 1561, on lui