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n’auroit peut-être pas pu exécuter, et celui qui exécute ce qu’il n’auroit peut-être pas imaginé.

D’autres ouvrages plus ou moins importans occupèrent encore Vanvitelli à Rome. De ce nombre furent les grandes décorations, qu’exigea, dans l’église de Saint-Pierre, la célébration de l’année sainte en 1750 ; l’illumination de la coupole pour laquelle il imagina un dessin nouveau ; des projets pour une canonisation, le catafalque de la reine d’Angleterre ; des dispositions ou exécutées ou projetées, pour la grande église de la Chartreuse, pratiquée dans les restes de construction des thermes de Dioclétien.

Sa réputation étoit parvenue à un tel point, que lorsque le roi de Naples Charles III (depuis roi d’Espagne) voulut élever à Caserte un palais, qui ne le cédât à aucun de ceux que les souverains de l’Europe ont construits, avec le plus de grandeur et de magnificence, il ne balança point à faire choix de Vanvitelli. Un tel choix méritoit de la part de l’architecte, des efforts proportionnés, et à l’honneur qu’il recevoit, et à l’importance de l’entreprise. On peut dire qu’il ne manqua ni à l’un, ni à l’autre du double engagement qu’il étoit censé contracter.

Rien de plus grand, comme ensemble un et complet, n’existe en Europe. Le seizième siècle a produit, quoique dans des masses moins considérables, des palais d’un caractère d’architecture plus sévère, plus grandiose, plus empreint du style de l’antiquité, plus riches en détails classiques, et d’une plus haute harmonie. Cependant il fut heureux pour le palais de Caserte, d’avoir été construit à celle époque du dix-hui-tième siècle, où, de toute part, le goût, désabusé des caprices et des innovations stériles du siècle précédent, étoit rentré dans les voies de l’ordre, de la raison et de la simplicité, cause première de toute beauté dans l’art de bâtir.

On doit déjà rendre justice à l’imité comme à la régularité du vaste plan de ce palais, dont la masse s’élève sur une superficie de 950 palmes (napolitains) en longueur et de 700 palmes en largeur. Il ne saut pas oublier encore de comprendre dans l’étendue de son ensemble la grande place elliptique, à laquelle il se rattache par deux petits corps avancés. Cette place, à laquelle aboutissent cinq avenues, est environnée de bâtimens destinés aux logemens tant de service que des gardes à pied et à cheval, avec toutes leurs dépendance.

Le plan général du palais, proprement dit, est, comme ses mesures l’ont déjà fait voir, un carré long, divisé, en quatre grandes cours toutes égales entr’elles, par quatre corps de bâtimens qui sout la croix. Ainsi chaque cour est comme un palais tout entier. On aperçoit dès-lors, quelle prodigieuse étendue auroit cet ensemble, si au lieu d’être ainsi ramassé et multiplié dans un quadruple carré, il se développoit, comme


on l’a pratiqués ailleurs, sur une seule ligne. Mais il est tout aussi facile de comprendre l’avantage que le service intérieur de ce grand palais doit retirer d’une composition qui, rapprochant ainsi entr’elles, et subordonnant à un plan uniforme, les diverses parties du tout, réunit par une circulation facile et régulière les services multipliés d’une habitation royale.

Le palais de Caserte a sur tous les grands édifices du même genre, une supériorité incontestable, c’est la parfaite unité que son plan a inspirée. Cette, qualité, il faut l’entendre sous ses deux principaux rapports, savoir l’unité de conception, et l’unité d’exécution.

Et pour parler d’abord de cette dernière, on sait assez combien il est rare qu’une vaste entreprise n’éprouve point de ces interruptions, qui amènent ou une succession d’architectes jaloux de mettre du leur dans l’ouvrage d’autrui, ou des changemens de maîtres accessibles à de nouvelles idées, ou des révolutions de goût, dont l’effet a toujours été de porter les hommes à plaindre le passé et à vanter le prétent. L’ouvrage de Vanvitelli a échappé à ces divers contre-temps. L’architecte eut le bonheur d’exécuter lui seul toute sa construction, dans le cours d’un petit nombre d’années. Aussi le tout semble-t-il avoir été comme coulé d’un seul jet. Nulle addition, nulle correction, nulle modification n’en a altéré, ni dans l’ensemble, ni dans les détails, le projet originaire.

L’unité de conception n’y est pas moins remarquable soit dans le plan, soit dans l’élévation. Il faudroit pouvoir rendre compte ici de ce qui ne peut être saisi que par la vue, sur les plans des trois étages de ce palais, pour faire voir, comment tout ayant été conçu et coordonné, dans toutes les parties de ses nombreuses dépendances, il ne fut jamais nécessaire d’y opérer le moindre changement.

On ne sauroit imaginer plus d’accord entre la distribution du plan, et la disposition des élévations. Sur un soubassement qui comprend l’étage à rez-de-chaussée, et au-dessus un petit étage de service, que nous appelons entresol, s’élève une ordonnance ionique, en colonnes, dans les deux espèces d’avant-corps de chaque extrémité, et dans celui du milieu, mais en pilastres dans tout le reste (on parle de la façade sur le jardin), deux rangs de fenêtres avec leurs chambranles occupent la hauteur des entre-colonnemens. Le tout se termine par un entablement continu dans la frise duquel sont pratiquées de petites ouvertures de Mezzanino. Une balustrade ornée de statues règne dans tout le pourtour. Les deux espères d’avant-corps dont on a parlé aux extrémités de chaque façade, supportent chacun un pavillon carré à deux étages, avec colonnes et pilastres d’ordre corinthien. L’espèce d’avant-corps du milieu est couronnée de chaque côté par une cou-