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furent exécutés en or et ivoire, n’avoient pas pu être le produit de cet instrument. Le tour, de quelque genre qu’il soit, ne peut pas s’appliquer aux grands travaux de la sculpture, et nous ne connoissons que celui qu’on appelle aujourd’hui tour à portrait, qui sert quelquefois à la gravure en médailles, c’est-à-dire en petit et en très-petit bas-relief, qu’on puisse citer comme procédé mécanique, susceptible d’entrer dans quelques opérations de l’art.

Nous ne faisons mention du tour dans ce Dictionnaire, que parce que l’on en a jadis employé en grand le procédé mécanique à faire des colonnes. Nous apprenons encore que depuis peu on a imaginé de le mettre en œuvre pour le même objet, c’est-à-dire pour tourner et arrondir des fûts de colonnes faites d’une sorte de matière artificielle, et qui doit se prêter facilement à cette opération.

Mais la chose dut être beaucoup plus remarquable, et d’une bien autre difficulté, à l’égard de colonnes en marbre. Or, nous ne pouvons guère nous empêcher de croire, que telles avoient été (quoique Pline ne le dise pas) les colonnes du labyrinthe de Lemnos, monument dont il existoit encore des vestiges au temps où il écrivoit. Voici le passage où il rend compte de cette particularité, liv. 36. ch. 13.

« Le labyrinthe de Lemnos ressemble aux deux premiers (celui d’Egypte et celui de Crète), seulement il l’emporte sur eux par les colonnes qu’on y admire au nombre de cent cinquante. Elles furent travaillées dans l’atelier par le procédé du tour. Les pivots par lesquels elles étoient suspendues, furent si bien équilibrés, qu’un enfant suffisoit à faire agir la roue qui les faisoit tourner. »

Peu d’objets qu’on puisse dire être du ressort des arts du dessin, comportent une exécution dépendante du tour mécanique. Peut-être seroit-il permis de citer comme exception, la fabrication de certains vases d’argile, résultats de la roue du potier, qu’on peut effectivement, quant aux effets, assimiler au mécanisme du tour. C’est particulièrement dans l’exécution, la grande variété et la beauté des formes d’un certain nombre de vases grecs peints, mal-à-propos appelés étrusques, que l’on peut se faire une idée du goût qui présida jadis à ces ouvrages, et qui dirigea l’artiste dans la pureté du galbe donné à leurs contours.

On use encore aujourd’hui du tour pour faire d’une manière économique des vases soit de pierre, soit de marbre, que l’on place quelquefois volontiers sur les sommets des édifices, ou dont on orne les jardins.

TOUR, s. f. , du latin turris, qui vient du grec τυρσιζ.

Quelques étymologistes ont prétendu que du


mot de tours (τυρσιζ), dont les anciens Toscans avoient très-anciennement flanqué les murailles de leurs villes, pour les défendre, étoit dérivé le nom de tyrrheniens qu’on leur donna, et que c’est de ce peuple que les Romains empruntèrent l’usage des tours, dont ils fortifièrent aussi leurs murs. Ainsi croit-on que la construction de la tour proprement dite, fut le résultat du système des plus anciennes fortifications.

Quoique le nom de tour, en quelque langue que ce soit, ail été donné dans les travaux de construction et d’architecture, à un très-grand nombre d’édifices qui n’eurent rien de commun avec les fortifications des villes, il n’est pas improbable, toutefois, que l’architecture civile ait tiré soit la forme, soit la dénomination donnée à ces édifices, de ces constructions protectrices des villes. Rien de plus fréquent que cet emblème, dans les images sous lesquelles on personnifia non-seulement les villes, mais encore les provinces. La couronne crénelée se voit toujours sur la tête de Cybèle, déesse de cités, et qu’on appeloit, à cause de cela, turrita. Ces sortes de couronnes si multipliées dans les monumens antiques, ne sont autre chose qu’une imitation rapetissée des murailles de villes entremêlées detours.

Les tours des murai les, soit carrées, soit rondes, destinées à leur défense, dûrent en faire imaginer de semblables pour l’attaque. Celles-ci étoient formées d’un assemblage de poutres et de forts madriers. Elles étoient mobiles, et on les faisoit mouvoir par le moyen de plusieurs roues, sur lesquelles elles étoient portées. Leur hauteur surpassoit souvent celle des murailles et des tours qu’on vouloit assiéger. C’en est assez sur ces notions, pour faire comprendre combien cette sorte de construction fut multipliée dès les plus anciens temps, et comment il fut naturel d’en appliquer le nom, à toute autre sorte de construction semblable pour la forme, quoique destinée à des usages fort divers.

Ainsi un des antiques monumens dont l’histoire ait gardé le souvenir, celui que la Bible nous, dit avoir été commencé et n’avoir pu être fini, le monument de Babel, fut appelé tour, parce qu’il devoit être isolé et s’élever à une très-grande hauteur. Ainsi verrons-nous le nom de tour donné par la suite des temps, à toute construction en hauteur, et qui domine ordinairement tous les autres édifices.

C’est cette procérité extraordinaire, attribut particulier et caractère spécial de ce que généralement on nomme tour, qui a singulièrement multiplié cette sorte d’édifice. On ne Sauroit dire effectivement à combien de besoins divers nous le voyons employé. On élevoit jadis des tours sur les sommets des montagnes, soit pour les signaux de correspondance, soit pour surveiller de très-loin les mouvemens de l’ennemi et les opérations des armées. On en élevoit de même sur les rivages