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ORA ORA


l’or fut employé jadis avec profusion dans la sculpture surtout, et dans les colosses d’or et d’ivoire (voyez l’article Ivoire), ce ne fut que comme appliqué, soit au bronze, soit à la pierre et au stuc, que nous le voyons figurer dans les monumens de l’architecture proprement dite. Mais tous ces emplois ne font supposer autre chose que l’application de l’or, en feuilles, c’est-à-dire, la dorure. Ainsi nous renvoyons le lecteur à ce mot. Voyez Dorure.

ORANGE . Le non moderne de cette ville de Provence, est une corruption du mot Aransio, ancienne ville du pays des Cavares. Il auroit fallu, si l’usage l’eût permis, écrire Aurange.

Cette ville a conservé plusieurs restes très-remarquables d’antiquités romaines. Le mieux conservé est, dans une plaine à quatre cents pas des dernières maisons de la ville, un arc de triomphe de soixante-six pieds de large sur soixante de hauteur. Il est percé de trois arcades : celle du milieu est plus large et plus haute que ses collatérales. Quatre colonnes corinthiennes ornent la masse inférieure de l’arc. Elles séparent les trois arcades, une à chaque angle, les deux autres accompagnent la grande arcade. Elles supportent un entablement qui est surmonté d’un premier attique ; un fronton situé au-dessus de l’arc du milieu interrompt cet attique. Un second attique, beaucoup plus élevé, couronne la masse, et des restes de piédestaux font voir qu’il devoit y avoir des statues.

Les parties latérales du monument sont ornées aussi de quatre colonnes corinthiennes, et dans leurs entre-colonnemens s’élèvent des trophées, au bas desquels on voit encore les figures des villes ou des provinces captives.

Cet arc de triomphe, dont on ignore la date, est resté jusqu’à présent un objet de controverse entre les antiquaires. Aucune inscription suffisante ne donne de lumières à cet égard. Quelques noms écrits sur les armes, les boucliers et autres espaces, sont des indications trop vagues pour qu’on puisse y fonder autre chose que des conjectures. Massei, d’après le style de l’architecture et de la sculpture, a pensé que cet arc fut élevé au temps d’Adrien. D’autres en remontent l’époque jusqu’à Auguste et César. Il nous semble qu à défaut de toute autorité positive, on peut s’aider du goût de l’ouvrage pour en conjecturer aussi l’époque.

Si l’on s’en rapporte à celle mesure de critique, on est obligé de convenir que tout décèle dans la composition, le style et la décoration du monument, un âge fort éloigné de celui qui vit naître les ouvrages les plus renommés de l’architecture des Romains.

La composition de l’arc est la moins simple et, si l’on peut dire, la plus chargée, de toutes celles dont les monumens de ce genre nous donnent l’idée, soit ceux qui furent exécutés à Rome, soit ceux dont les médailles nous ont conservé les types et les formes. Cette surcharge de formes est sensible dans cette cumulation du fronton élevé au-dessus du grand arc, et coupant l’espace du premier attique, dans la surimposition du second attique beaucoup plus élevé que le premier, et qui indique, par les saillies du massif du milieu, et des deux piédestaux accompagnans, qu’un char de triomphe et des statues devoient en porter l’élévation à une plus grande hauteur.

La profusion des ornemens n’y est pas moins remarquable dans les bordures des parties cintrées des arcades, dans les trophées de bas-reliefs répandus sur toutes les superficies, tant des faces que des côtés latéraux. On ne sauroit nier que cet ensemble, dont l’exécution est assez louable, n’ait dû offrir un aspect fort magnifique et fort riche. Mais on sait que l’abus du luxe décoratif est un des caractères de ces siècles, où la richesse remplaça le goût, et en suivant cette analogie, on est conduit à croire que l’arc d’Orange devroit s’attribuer à un siècle encore postérieur à celui d’Adrien.

Les trophées de victoires navales, composés de tous les attributs maritimes, tels que proues de navires, ancres, rames, acrostoles, aplustres, etc., qui partagent la décoration de cet arc, avec les trophées composés d’armes des guerres de terre, ont rendu plus difficile encore à expliquer, l’érection d’un tel monument, dans un lieu aussi éloigné du théâtre des batailles navales. On a donc soupçonné de cela même, et des noms gravés sur les armures, qui indiquent des époques fort différentes, que cet are fut exécuté pour rappeler à la fois toutes les victoires des Romains, non-seulement dans la Provence, mais dans toute la Gaule Narbonnaise.

Après l’arc d’Orange, le monument le plus remarquable de cette ville est celui qu’on appelle improprement aujourd’hui le Cirque. Ce prétendu Cirque est un théâtre dont beaucoup de parties se sont conservées.

La partie circulaire, où se trouvoient établis les sièges des spectateurs, est pratiquée dans la montagne : les deux extrémités du demi-cercle étoient liées par des constructions, à la scène, où elles se terminoient. C’est ainsi que sont bâtis la plupart des théâtres qui existent encore, Voyez Théâtre.

Le mur qui coupoit le demi-cercle, et qui formoit le fond de la scène, existe encore en entier, et produit un fort bel effet, vu de la grande place. On reconnoît du premier coup d’œil, à la manière dont il a été bâti, qu’il est de construction romaine. Il a cent huit pieds de haut et trois cents de large. Il est tout en belles pierres carrées, égales, jointes avec la plus grande exactitude : son élévation se compose de deux rangées d’ar-