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OPT OR


duire, après un membre fort et très-saillant, un membre fin et léger, qui lui fait opposition.

Généralement, si tout est fort, si tout est riche, si tout est simple, rien ne paroîtra ni fort, ni riche, ni simple. Il faut opposer quelques légèretés à ce qu’on veut faire massif, sous peine de ne produire que de la lourdeur. La richesse des décorations ne sera plus qu’une confusion indigeste, si quelques parties lisses n’y opposent certains espaces qui reposent l’œil. La simplicité dénuée de tout ornement, se réduira à n’être que de la pauvreté.

Ce manque d’un sentiment juste, eu égard à l’emploi des moyens d’opposition, a souvent égaré les architectes, jusque dans l’accord des proportions entre les parties constituantes et les accessoires des édifices. On s’est quelquefois persuadé qu’il falloit tout agrandir dans un grand ensemble : sans doute, et c’est une vérité incontestable, qu’un grand tout doit avoir de grandes parties. Aussi n’entendra-t-on pas blâmer cette correspondance naturelle, qui soumet toutes les parties d’une ordonnance à des dimensions proportionnelles. On veut seulement parler de l’abus où un système d’harmonie exagérée, fait quelquefois tomber le décorateur de grands édifices, en lui persuadant d’outrer les mesures de certains partis d’ornemens, et de porter jusqu’au gigantesque la proportion de certaines figures adhérentes à l’architecture. Il paroît que, dans l’intérêt qu’on pourroit avoir d’aider à l’impression du sentiment de la grandeur dans un édifice, il conviendroit au contraire d’y laisser beaucoup de ces accessoires dans leurs proportions, soit naturelles, soit commandées par la place qui leur est assignée, et que ces simples oppositions feroient valoir d’autant la grandeur de l’ensemble. Ainsi, dans la nef de Saint-Pierre, on a orné quelques archivoltes des arcades, avec des figures d’une saillie et d’une proportion si hors de toute mesure, que ces grandes arcades s’en trouvent rapetissées. Telle ne fut pas cependant l’intention du décorateur ; il voulut faire conclure de l’énormité de ces accessoires à l’immensité du principal. Mais son erreur, en ce genre, fut semblable à celle dont on a parlé plus haut, et qui consiste à faire tout fort, tout riche, ou tout simple. De même, faire tout colossal, c’est empêcher tout de le paroître. Les oppositions modérées, puisées dans des objets de dimension diverse, aident l’œil à juger : or, l’œil ne juge que par comparaison.

OPTIQUE , s. m. Science physico-mathématique, qui enseigne de quelle manière se fait la vision dans l’œil. Les principes de cette science sont la base de la délinéation et de la peinture. Ils ne sont pas moins utiles à l’architecte.

Les règles de l’optique (dit Perrault, Ordonnance des colonnes), appliquées à l’architecture, tendent à remédier aux erreurs des sens. Comme les images des choses, dans notre œil, sont plus petites et moins distinctes lorsque les objets sont éloignés, que quand ils sont proches, et que les vues droites font paroître les objets autrement que quand elles sont obliques, on s’est imaginé qu’il falloit suppléer à cela, comme étant un défaut auquel l’art doit remédier. De-là certains systèmes, tendant à changer les proportions et la situation des objets, des membres de l’architecture et de leurs accessoires, et l’on s’est même fondé sur l’autorité de Vitruve. Perrault a montré que toute cette théorie étoit fausse, parce que l’esprit avoit la propriété de redresser les manières de voir les choses et sait les replacer dans leur état naturel. Nous avons rendu compte de toute cette critique au mot Changement de proportion. Voy. cet article.

OR, s. m. L’or, en tant que métal solide, ne sauroit se considérer comme étant au nombre des matériaux que l’architecture ait jamais pu employer, autrement que sous le rapport de dorure (voyez ce mot), dans l’ensemble et les détails des édifices. Rien n’empêche qu’il n’ait été mis en œuvre dans de petits modèles, de la manière dont on a vu des reliquaires précieux et autres objets qui sont du ressort de l’orfévrerie, consacrés dans les lieux saints.

Nous ne trouvons dans l’histoire ancienne qu’une exception à ce qu’on vient d’avancer.

On peut, en effet, regarder comme un monument réel d’architecture, la chambre sépulcrale qui renferma le corps d’Alexandre, et quoiqu’elle ait été établie sur un chariot qui la conduisit de Babylone en Egypte, ses dimensions et son ordonnance furent telles, qu’on doit y voir une espèce de petit temple périptère, qui, sans pouvoir aller de pair, pour la grandeur, avec les édifices ordinaires, construits en pierre, auroit pu toutefois passer pour une œdicula. Sa longueur étoit d’environ vingt pieds, sa largeur de douze. Or, on ne sauroit révoquer en doute, que toute cette construction fut d’or solide, et non de métal doré : non que, par les mots or solide, il faille entendre que le tout étoit massif. Sans doute une armature fut nécessaire pour donner de la consistance à tout l’ensemble, et il faut entendre qu’une carcasse, ou, si l’on veut, une charpente en fer aura été disposée sur le plateau, fixé au chariot de manière à offrir un appui solide à tous les membres, à toutes les parties de l’ordonnance, aux colonnes, à l’entablement, au cintre de la voûte : l’or solide dont on a parlé, aura fourni le revêtement de cette armature.

On est porté à croire qu’il faut entendre par or, et non par dorure, les termes dont se sert Diodore de Sicile dans la description de ce monument, description qu’il a abrégée, en la rant de l’ouvrage qu’avoit publié, sur cette merveille de l’art, Hiéronyme de Cardie. On sait,