nous donne à penser, que l’art de la tapisserie avoit long-temps été partiqué dans l’Orient, avec le secours de l’aiguille, mais qu’enfin les Egyptiens firent tomber cette industrie, en y substituant le travail du métier.
Hac tibi Memphitis tellus dat munera : victa est
Pectine niliaco jam Babylonis acus.
Il est donc constant que l’art de la tapisserie fut pratiqua aussi ; au métier dans l’antiquité, et il n’est point de notre sujet d’entreprendre de déterminer l’époque de ne changement de procédé. Ce qui nous est plus clairement démontré, c’est que lei Grecs, au temps de Péricles, connoissoient les tapisseries de l’Orient, el qu’ils en ornaient leurs théâtres.
Il n’y a rien de plus décisif sur ce point, que les vers ou Aristophane, dans sa comédie des Grenouilles, vers 938, fait dire à Euripide, qu’il n’avoit produit, à l’exemple d’Eschite, sur la scène, ni chevaux ailés, ni capricerfs, tels qu’en représentent les tapisseries de Perse, παραπετασμασιν μηδοχοις. On sait assez que c’est de ce pays que passèrent en Grèce et à Rome ces caprices nombreux, qui furent du domaine de l’ornement et de l’arabesque. Or, le travail de la tapisserie dut se les approprier d’autant plus naturellement, qu’on la regarda comme destinée avant tout au plaisir des yeux.
Nous ne saurions douter que beaucoup de ces ouvrages n’aient eu, chez les Grecs et les Romains, les mêmes emplois que dans les temps modernes Si nous n’avons pas la preuve qu’on les fit servir de tentures ou d’ornemens aux murs, dans les intérieurs, soit des palais, soit des monumens publics, nous tenons de plus d’un passade des écrivains, que de véritables tapisseries, selon la signification du mot parapetasma (voyez l’article TAPIS), ornoient les sanctuaires des temples, et en cachaient à volonté la vue, ainsi que celle des simulacres qui y étoient renfermés. Tel étoit dans le temple des Hébreux, ce que nous appe lons le voile, qui, placé et tendu devant l’arche, déroboit la vue du saint des saints. Tel étoit l’objet de ce peplos dont on a déjà parlé, qu’on ossroit aux divinités et qu’on renouveloit â certaiues époques. Sans aucun doute on pouvoit en faire qui servissent d’habillement à certaines idoles antiques. Mais quand on sait ce qu’étoit ce qu’on appeloit palladium, et à quoi se réduisoit, dans le temple de Minerve Poliade, à Athènes, l’idole à laquelle on consacroit le peplos d’une très-grande dimension dont on a déjà parlé, il est difficile de lui supposer d’autre emploi, que celui d’être étendu comme un grand rideau, en avant du sanctuaire où résdoit la petite idole de ce temple.
Mais l’emploi dont nous parlons ne laisse plus aucun doute, quand on lit dans Pausanias, que le roi d’Antiochus avoit fait au temple de Jupiter
à Olympie, l’offrande d’un riche parapetasma de pourpre brodé en or, lequel s’étendoit en avant du simulacte de la Divinité. On ne sauroit douter de la nature de sou emploi, et nous avons résuté ailleurs la conjecture de Stuart qui imagina de le faire servir dans l’intérieur du temple, qu’il supposoit entièrement découvert, à préserver, par sa position horizontale, la statue des intempéries des saisons. Cela contredirait sans aucune autorité toutes les notions en ce genre. Les Egyptiens suspendoient de ces voiles devant les avenues de leurs temples. La mosaïque de l’Palestrine, tableau abrégé de l Egypte, nous en fait voir un qui ne laisse aucun doute sur son usage, sa forme et il position. Il ressemble à une voilé de vaisseau, et il est hissé perpendiculairement. Du reste, Pausanias a pris soin de lever tout doute à cet égard ; car en parlant du parapetasma du temple d’Olympie, il nous apprend qu’il s’abaissoit jusqu’à terre, au contraire du temple d’Ephèse, où, pour découvrir le sanctuaire, il se relevoit jusqu’au plafond. On est encore autorisé à croire que dans beaucoup de cas, les Anciens usèrent des tapisseries, comme cela se pratique aujourd’hui dans l’Orient, en guise de portes, et de la manière dont nous les employons sous le nom de portières.
Nous ne prétendons donner dans cet article qu’une très-légère esquisse des notions historiques de l’art de la tapisserie, et encore sous le rapport qui l’unit à l’art de bâtir, ou à la décoration des édifices. C’est pourquoi nous ne rechercherons point les traces de l’existence et de l’état, soit des procédés, soit du goût des tapis et des tapisseries, pendant la période du moyen âge. Si l’on consulte la destinée de tous les arts, pendant cette longue nuit, et à l’époque où un nouveau jour vint les éclairer, on se persuade qu’ils parcoururent dans leur renaissance, à peu prés les mêmes routes, qu’à leur origine, dans les siècles auliques dont nous connossons l’histoire.
Ainsi l’art de la tapisserie nous paroît avoir recommencé pour les temps modernes, comme autrefois, par le travail plus ou moins grossier de l’aiguille. Ou en pourroit citer comme preuve et comme exemple, la célèbre tapisseriequ’on appelle de la reine Mathilde, ouvrage qui nous présente l’enfance de l’art de broder des figures sur toile. Si l’on en juge par un sort grand nombre de très-vieillestapisseries, où sont exécutées au métier des scènes fort étendues de personnages, de vues champêtres, de perspectives et autres objets semblables, il sembleroit que de sort bonne heure, et dès les premiers temps de la renaissance, on auroit employé la tapisserie à reproduire les tableaux d’histoire, et tous les sujets qui sont du ressort de la peinture. Or, il ne nous est pas démontré que les peuples de l’antiquité’ aient ainsi converti en véritables tableaux leurs tapisseries proprement dites. Non qu’on veuille nier qu’ils y aient représenté des figures humaines. Ce que nous