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mirent à enchérir à l’envi sur l’idée de ce grand modèle. Ainsi le baldaquin dont Oppenord donna le dessin pour l’autel de Saint-Germain-des-Prés se composoit de six colonnes de marbre cipolino, portant un entablement architravé sur lequel s’élevoit l’impériale, dont les courbes étaient liées par une couronne orale. Des consoles donnoient naissance à des palmes qui se terminoient en pyramide, et portoient un globe surmonté d’une croix. Un ange, accompagné de deux autres plus petits, tenoient l’ostensoir. On ce rapporte ici cette description que parce que l’ouvrage n’existe plus. Il a été détruit aux temps de la révolution, et les colonnes du ce baldaquin sont aujourd’hui dans le Musée royal des antiques.

Oppenord eut une assez grande part dans les travaux de la construction de la grande église de Saint-Sulpice à Paris. C’est de lui qu’est le portail de la croisée qui est du côté de la rue Palatine : il y employa les ordres dorique et ionique couronnés d’un fronton. Le portail correspondant de la même croisée a été rachevé par lui, depuis l’entablement de l’ordre inférieur. Il contribua à l’achèvement des bas côtés de la nef, et il donna les dessins du maître-autel, qui n’existe plus.

On auroit quelque peine à citer aujourd’hui les palais ou hôtels qu’il contribua à décorer, tant les changemens de propriétaires tendent à dénaturer promptement de semblables travaux.

Oppenord passa, de son temps, pour être un grand décorateur ; mais comme le goût dans lequel il exerça son talent est l’opposé du goût simple, vrai et naturel, nous finirons ce qui concerne cet architecte, en disant qu’on l’appelle le Boromini de la France.

OPPOSITION , sub. fém. On a déjà fait sentir (voyez Contraste) la différence que la langue des beaux-arts et la théorie du goût ont établie entre ce qu’on entend par contraste, et ce qu’on exprime en général par le mot opposition. Quoique ces deux mots paroissent être synonymes, et se prennent quelquefois l’un pour l’autre, et quoique leur composition étymologique semble leur affecter une même signification, cependant il ne se peut pas que le langage ne distingue point, dans l’emploi raisonné de l’un ou de l’autre, une variété correspondante à celle de deux nuances d’idées faciles à saisir.

C’est pourquoi il nous paraît que, selon l’usage qu’on en fait, le mot contraste emporte avec soi l’idée d’un changement brusque ou violent, qui a lieu dans le rapprochement des choses, des objets, et qui produit aussi dans l’ame un changement inattendu de situation : et il nous semble que le mot opposition indique entre les choses, les images ou les idées des objets, une position que est a la vérité diverse et contraire, mais sans produire toutefois le choc du contraste, et sans opérer sur les sens et sur l’ame les effets frappans de la surprise et d’autres sensations violentes.

Si, d’après cette distinction, on applique l’idée de contraste, telle qu’on vient de la définir, aux œuvres et aux moyens propres de l’architecture, il est permis de croire que cet art n’est guère en état de produire les effets du genre de ceux qu’on peut appeler contrastans, c’est-à-dire qui surprennent vivement, et qui, par une impulsion rapide, sout passer l’ame d’une situation extrême à une autre.

L’architecte qui voudroit produire pour les sens de véritables contractes, ne le pourrait faire effectivement qu’en mettant en présence ou en contact, par exemple, les extrêmes de la grandeur et de la petitesse, ceux de la richesse et de la pauvreté ; ou bien, dans les proportions, ceux de l’élévation démesurée d’un intérieur, avec la largeur la plus rétrécie ; mais on comprend qu’assujettie par la nature des choses à des devoirs qui l’empêchent de se permettre ces sortes de jeux, l’artiste qui se livrerait à de tels caprices ne seroit que du ridicule : or, un semblable ridicule ne saurait se supposer.

Il n’est guère possible d’admettre l’idée de contraste telle qu’on l’entend, c’est-à-dire, comme passage brusque et sans transition d’un effet à un autre, d’une impression donnée à une autre impression ailleurs que dans les changemens subits de décorations sur les théâtres. C’est là, comme on le sait, que le décorateur peut nous faire passer de la manière la plus inattendue, la plus soudaine, du palais de l’Olympe à celui de Pluton, de la salle d’un bal à une prison, etc. Mais on voit que, bien que les objets qui contrastent ainsi à nos yeux, sur la scène, soient des images d’architecture, ils sont cependant beaucoup plus l’ouvrage de la peinture. Or, ce qu’on prétend, c’est que l’architecture, dans les monument réels, ne sauroit guère avoir ni l’occasion, ni les motifs, ni les moyens d’opérer l’effet de semblables contrastes, qui, dans le fait, résultent de la privation de lumière, ou d’un passage subit des ténèbres à la clarté, moyens dès-lors plus ou moins factices, et indépendant du pouvoir de l’art de bâtir proprement dit.

Si le mot opposition indique entre les objets, les images et les idées, un rapport de contrariété moins frappant, et qui corresponde davantage à ce qu’on appelle variété ou diversité, et si l’idée d’opposition est à celle de contraste ce que la nuance est à la couleur entière, sans aucun doute il entrera dans la nature, dans la fin et dans les moyens de l’architecture, de produire des oppositions.

Effectivement, la combinaison des élémens matêriels de l’architecture, et des effets moraux que l’intelligence sait en tirer, procure à l’artiste plus d’une sorte de procédés et du moyens pour opérer, selon le but qu’il se propose, divers genre.

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