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OBÉ

OBÉLISQUE, s. m. C’est le nom qu’on donne et que donnèrent les Romains (d’après les Grecs) à de très-hautes pierres taillées le plus souvent à quatre faces, quelquefois davantage, dans une forme légèrement pyramidale, qui se termine en pointe, ce qui les fit appeler obeloi (broches) par les Grecs, guglie (aiguilles) par les Italiens modernes.

On croit aussi que le mot stela (stèle, en français), qui vient du verbe σιαω, stare (être debout), mot qu’on donna, dans l’antiquité, à beaucoup de monumens historiographiques ou commémoratifs, signifia, chez les Grecs, la même chose qu’obélisque ; et une inscription grecque, trouvée récemment à Philae, dans la haute Égypte, sur le piédestal d’un obélisque renversé tout auprès, et transporté depuis peu en Angleterre, fait mention de cet obélisque sous le nom de stele.

Les Grecs se servoient en général de ce nom, pour désigner tout monument monolythe, sur lequel on traçoit des caractères (voyez Pierre stele) Hérodote appelle ainsi ceux qu’il dit avoir été élevés par Sésostris dans les pays et chez les peuples qu’il avoit subjugués. Ces monumens étoient-ils des obélisques ?

Cet usage de pierres debout et de pierres écrites, est trop général pour exiger qu’on en apporte ici des preuves. Or, dans ce genre de monumens, chaque peuple dut se laisser conduire par le genre des matériaux qui étoient à sa disposition, et par l’instinct primitif, qui, dès l’origine, devint le régulateur de son goût. On a vu, à l’article Architecture égyptienne, quelles causes portèrent les Egyptiens à la simplicité dans les édifices, à la solidité et à la grandeur dans leurs masses. Ce fut là leur principal luxe. Les énormes rochers de granit que la haute Égypte présentoit à leur exploitation, dûrent leur suggérer de porter au plus haut point d’élévation les masses de leurs stèles ou obélisques. Ils en firent le principal ornement de l’entrée de leurs temples ou de leurs palais, s’il est vrai, comme quelques-uns le pensent, que les grands assemblages de bâtimens, auxquels on donne toujours le nom de temple, aient pu servir aussi de demeures aux rois, ainsi qu’aux prêtres.

Il ne sauroit entrer ici dans notre objet de dire quel put être l’emploi des obélisques. N’ayant à les considérer que sous le rapport qu’ils ont eu à toutes lus époques avec l’architecture, nous avons toutefois besoin de dire à quoi il est plus que probable qu’ils ne servirent point en Égypte.

Nous ne nous arrêterons pas à combattre les conjectures de Kircher, de Goguet et de Bruce, qui ont cru que les obélisques avoient pu être des gnomons chez les Egyptiens. Il suffit, pour détruire


cette opinion, de considérer la place que les obélisques occupèrent dans leurs monumens. Or, il s’en trouve encore deux d’une grande hauteur à Thèbes, qui sont placés des deux côtés de l’entrée d’un grand pylone, et à une assez petite distance des massifs de cette porte. Celui qui exécuta, du temps de Sylla, la mosaïque de Palestrine, qui est une image abrégée de l’Égypte, y a fait voir deux obélisques placés de même à l’entrée d’un temple.

Une opinion aussi peu vraisemblable est celle de Pierius et de Bellon, qui tend à faire regarder les obélisques comme des monumens funéraires. Cette idée n’a pu naître que de l’abus qu’on dira dans la suite avoir été fait de cette forme par les Modernes.

De telles erreurs procèdent, en grande partie, de l’ignorance où l’on est de l’écriture hiéroglyphique, et par conséquent de ce qui est gravé sur les obélisques, qui, presque tous, sont couverts des caractères de cette sorte d’écriture. Le voile qu’on a déjà soulevé à cet égard, et quelques secrets surpris à cette mystérieuse écriture, font croire qu’on s’est formé de trop hautes idées des matières que renferment les inscriptions hiéroglyphiques ; et le peu qu’on a découvert porte à présumer que les sciences naturelles, l’astronomie et la philosophie, auroient peu de choses à y trouver.

Il est plus naturel, à l’égard des obélisques, de s’en tenir au témoignage des anciens écrivains, et de croire que les Egyptiens, ayant coutume d’inscrire sur des stèles plus ou moins grandes, les faits dont ils vouloient conserver le souvenir, élevoient de ces pierres d’une dimension colossale, lorsqu’il s’agissoit de consacrer la mémoire des bienfaits des rois, de leurs conquêtes, des monumens de leur piété envers les dieux, des constructions dues à leur munificence ; et les cartouches qu’on voit sur les hiéroglyphes où l’on est parvenu a lire les noms de plusieurs rois de l’Égypte, mettent déjà sur la voie de ces explications aussi simples que naturelles.

Il paroît qu’il y eut en Égypte un fort grand nombre d’obélisques. On l’infère, soit de ceux qu'on voit à Rome, ou en d’autres lieux, et qui, étant de granit rose, ne purent être taillés, n’importe en quel temps, que dans les carrières de Sienne, soit de ceux qui sont encore sur pied en Égypte, au nombre de six, soit d’une infinité de fragmens qu’on y observe dans les ruines des temples.

Les obélisques, si on les considère sous le point de vue général de leur emploi originaire, ne dûrent pas être placés tous en avant des temples, Il est probable que ceux, par exemple, qui furent


Diction. d'Archit. Tome III.

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