Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/295

Cette page n’a pas encore été corrigée
287
RES RES


d’une bien moindre conséquence, lorsqu’il s’agit d’architecture. Peut-être même faut-il dire qu’un excès de respect, pour certains restes de monumens, a hâté leur ruine. Sans doute il en est de condamnés à rester dans l’état de démolition où ils sont ; rien ne pourroit plus faire retrouver leur ensemble, et trop de dépense seroit nécessaire pour les rétablir. Il faut toutefois s’élever ici contre la fausse application qu’on a faite aux édifices, des dangers de la restauration pour les œuvres de la sculpture.

L’architecture, en effet, se composant ordinairement de parties similaires, qui peuvent, au moyen des mesurer, être identiquement reproduites ou copiées, et le talent n’étant pour rien dans cette opération, on ne conçoit pas quel danger pourroit corir l’édifice mutilé, si on complétoit, par exemple, son péristyle avec une ou plusieurs colonnes faites de la même matière et dans les mêmes dimensions : telle est encore la nature de l’art de bâtir, que ces adjonctions ou supplémens peuvent se faire à un bâtiment en partie ruiné, sans que la partie conservée en reçoive la moindre altération. Ainsi a-t-on vu le Panthéon de Rome restauré dans son péristyle, par le remplacement d’une colonne de granit à l’angle, et la réfection de l’entablement en cette partie, sans que le reste de l’ordonnance ait souffert de cette refaçon la moindre altération. Qui est-ce qui préféreroit voir ce péristyle dégradé pur cette mutilation ? Qui est-ce qui n’aime pas mieux jouir de la plénitude de son ensemble, quand on pense surtout, qu’une telle restauration ne sauroit induire personne en erreur ? Que de monumens antiques se seroient conservés, si l’on avoit pris seulement le soin de remettre en leur place leurs matériaux tombés, ou seulement de remplacer une pierre par une autre pierre !

Il règne sur cet objet une prévention outrée, et ou la doit à ce que nous appellerons plutôt une manie, qu’un goût pour les ruines, et dont il sera parlé encore au mot Ruines (voyez ce terme) ; contentons-nous de dire ici qu’il y a un certain milieu à tenir dans la restauration des édifices antiques. Premièrement, ou ne doit restaurer ce qui existe de leurs débris, que dans la vue d’en conserver la tradition et les modèles, et la mesure de ces restaurations doit dépendre du plus ou du moins d’intérêt qui y est attaché, ou du degré de délabrement où le monument est parvenu. Il ne s’agit souvent que d’un étai pour lui assurer encore plusieurs siècles d’existence. Secondement, s’il s’agit d’un édifice composé de colonnes, avec des entablemens ornés de frises sculptées en rinceaux ou autres objets, avec des profils taillés et découpés par le ciseau antique, qu’il suffise de rapporter les parties qui manquent, en laissant leurs détails dans la masse, pour que le spectateur puisse discerner l’ancien d’avec le nouveau. C’est ce que nous apprenons qui vient d’avoir lieu à Rome, à l’égard de l’arc de Titus, qu’on a fort heureusement dégagé de tout ce qui en obstruoit l’ensemble, et fort sagement encore restauré. dans ses parties mutilées, de la manière qu’on vient de dire.

RESTITUTION, sub. fém. Dans la langue de l’archéologie numismatique, on appelle monnoies de restitution, ou monnoies restituées, des monnoies ou médailles qui ont été frappées à une époque postérieure au règne du prince dont elles portent l’empreinte, et on les appelle ainsi, d’après le sens du mot, comme ayant été restituées à la circulation.

Le mot restitution indique donc l’action ou l’idée de rendre, ce que le temps ou toute autre cause avoit enlevé et fait perdre.

On n’a point trouvé de mot qui exprimât mieux dans un autre genre, l’action ou l’idée de faire revivre certains ouvrages entièrement perdus et ravis par le temps, mais dont les mentions ou les descriptions des écrivains, jointes aux analogies qu’en fournissent d’autres ouvrages semblables, peuvent reproduire des images plus ou moins fidèles, et on a appelé ces ouvrages des monumens restitués, parce que le travail de la critique et de l’art, les rend en quelque sorte à l’existence.

Restitution, comme on le voit, diffère de restauration. On restaure l’ouvrage ou le monument en partie détruit, d’après les restes qui en subsistent. On restitue l’ouvrage ou le monument qui a entièrement disparu, d’après les autorités qui s’en retrouvent dans les descriptions.

Nous étant livrés à une suite de travaux semblables, qui sont d’un intérêt tout particulier pour l’architecture, nous croyons devoir retracer ici sommairement quelques-unes des considérations qui peuvent faire connoître la valeur de cette sorte d’entreprise, et nous renverrons le lecteur à quelques-uns des ouvrages, où nous avons rassemblé un assez grand nombre de ces restitutions.

En se livrant à ce genre de recherches, que sa nature, mêlée d’un peu de divination, rend tout à la fois attrayant et périlleux, il ne faut pas se dissimuler tout ce qu’on doit y apporter de réserve et de précaution, pour échapper aux écueils dont il est entouré. Avant tout, la théorie générale de l’imitation doit nous apprendre à distinguer, parmi les ouvrages d’art décrits par les écrivains, quels sont ceux dont le discours a pu transmettre une image sensiblement perceptible, une forme certaine, de ceux dont le langage ne peut jamais faire soupçonner ni l’ensemble ni les détails.

A cet égard donc, autant la description même la plus minutieuse d’un tableau, est inhabile à nous en faire retrouver la véritable composition, autant il est facile aux paroles, surtout si aux