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Comme c’est particulièrement dans les entablemens que le vice des ressauts, motivés par un plan capricieux, se fait le mieux sentir, c’est aussi à l’usage et à la forme originaire de l’entablement qu’il faut recourir, si l’on veut se faire une idée juste des licences que l’art et le goût peuvent autoriser.

Nous avons montré trop de fois, pour avoir besoin de le répéter ici (voyez Architrave, Corniche, Entablement), d’où procède la forme de ces couronnemens des édifices. Or, il est sensible que la continuité, est la première condition de leur existence ; tout ce qui tend par trop à dénaturer l’idée de cette continuité, tend à mettre l’objet en contradiction avec les yeux, avec ce que l’esprit nous apprend qu’il est et qu’il doit paroître. Si un édifice n’étoit orné d’aucun ordre de colonnes, s’il n’avoit aucun couronnement dépendant de ces ordres, et qu’il se bornât à n’être qu’un simple mur lisse, sans aucune terminaison, rien n’empêcheroit sans doute de pratiquer dans ses supersicies, autant d’angles rentrans et sortans qu’on voudroit ; il n’y auroit de ridicule alors que cette manie de tourmenter sans raison des surfaces, que le simple bon sens conseilleroit de laisser tout unies.

Mais de quel nom appeler cette autre manie qui fait de l’architecture un jeu aussi puéril que dispendieux, par lequel on vit les architectes imaginer des plans dans lesquels les colonnes employées sans nécessité, viennent se placer en avant des murs, uniquement pour faire d’un entablement une découpure ; dans lesquels on s’est étudié à rompre toute idée de continuité, toute espèce d’analogie entre les objets qu’on emploie, et les raisons qui en doivent motiver l’emploi ?

Les ressauts, dans les entablemens, ne sont donc admissibles, que lorsque de bonnes raisons ont fait adopter des avant-corps plus ou moins saillans, dans une élévation ornée de colonnes ou de pilastres : autrement on les doit condamner, comme un de ces abus qui tendent â dénaturer tout le système de l’architecture.

RESSENTI, adj. Ce mot s’emploie plus volontiers dans le dessin ou la délinéation des formes du corps humain, pour exprimer des contours énergiquement prononcés et articulés avec force.

On use aussi de ce mot, en architecture, à l’égard de quelques objets, qui peuvent offrir des contours plus renflés ou plus bombés qu’ils ne doivent l’être. On dira du renflement d’une colonne, qu’il est trop-ressenti : peut-être encore se servira-t-on du verbe ressentir, en parlant de certains détails d’ornement, qui seront traités avec trop de douceur ou trop d’âpreté, et l’on dira que la sculpture en est trop ou trop peu ressentie.

RESTAURATION, s. f. C’est, au sens propre, le rétablissement qu’on fait de toutes les parties d’un bâtiment dégradé pour le remettre en bon état.

Restauration se dit, en architecture, dans un sens, plus relevé, du travail que fait l’artiste d’après les restes d’un édifice antique, pour en retrouver l’ensemble, l’ordonnance, le plan et les élévations. Il suffit souvent, comme l’on sait, de quelques parties d’une fondation pour retrouver tous les élémens d’un plan. Il suffit de quelques fragmens de colonnes, de chapiteaux, d’entablemens, pour reproduire par ce secours la totalité d’une ordonnance, avec ses formes, ses rapports et ses proportions.

RESTAURER, v. act. On use plus fréquemment de ce mot en sculpture qu’en architecture. Il est devenu fort usuel depuis que les arts, ayant refleuri vers les quinzième et seizième siècles, en Italie, on se fut mis à rechercher, dans les ruines de Rome antique, et de quelques autres villes, où la domination romaine s’étoit étendue, les restes des statues mutilées, que des bouleversemens successifs avoient enfouies, sous les décombres des édifices dont elles firent autrefois l’ornement. Presque tous ces ouvrages étant de marbre, on s’occupa de leur rendre l’intégrité qu’ils avoient perdue, en refaisant, avec la même matière, les parties dégradées et les membres qui leur manquoient. C’est ce qu’on appelle restaurer. Dans le nombre infini de statues antiques, reconquises sur la barbarie et la destruction, il s’en est trouvé très-peu qui n’aient eu besoin d’être restaurées en quelqu’endroit. L’art de ces restaurations demande beaucoup de talent : aussi est-il peu de statues qui soient restaurées de manière à dédommager complétement de la perte du travail original. On ne parle pas ici des erreurs où les restaurations ont souvent fait tomber les antiquaires et les érudits, qui, sur la foi des parties rapportées, dans une intention souvent toute contraire à celle de la figure, et avec des accessoires ou des symboles de nouvelle invention, en ont suggéré des explications les plus trompeuses. Trop souvent aussi l’on a abusé de l’art de restaurer. Lorsque la plus grande partie d’une statue antique subsiste, et qu’il ne s’agit, pour la compléter, que de terminer quelques extrémités, selon le mouvement indiqué, on a véritablement, au travail du restaurateur, l’obligation de nous faire jouir d’un ensemble que la mutilation avoit détruit ; mais on a vu porter la manie de la restauration au point de refaire, non plus un membre à une statue, mais une statues entière à un, membre de statue ou à un fragment de torse. Combien de fois encore, pour raccorder le nouveau à l’antique, n’a-t-on pas altéré et fait disparoître le travail original ?

On a de même appliqué l’opération de restaurer, à un assez grand nombre d’édifices antiques. A cet égard, on doit dire que les inconvéniens qu’on vient de noter, quant à la sculpture, sont