Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/275

Cette page n’a pas encore été corrigée
267
RAP RAP


modernes. On sait que Bramante, dans sa conception première. s’étoit inspiré, pour ses nefs, de la disposition des grandes voûtes de l’édifice antique, appelé le temple de la Paix, et de la construction, comme de la forme du Panthéon, pour la réunion des quatre nefs. Obligé de remplacer la vieille basilique de Saint-Pierre, dont les nefs en colonnes étoient surmontées d’un plafond de bois, par une immense construction en voûtes, il lui fallut substituer des piédroits aux colonnes, et de vastes cintres aux plates-bandes.

Ce genre admis, et Raphael n’avoit plus à délibérer sur le choix, il faut convenir qu’on n’a jamais, en ce genre, tracé un plan plus simple, plus grandiose, mieux dégagé, et d’une harmonie plus parfaite. La disposition de ce qu’on appelle une croix latine est elle-même une tradition des anciennes basiliques. Qui voudra examiner chaque détail de ce plan, verra qu’il n’y a aucune forme des parties circulaires, soit de l’apside, soit des deux croisillons, qui ne soit une imitation de l’intérieur du Panthéon ou de quelqu’autre monument antique.

N’ayant point à examiner ici quelles furent les raisons qui, dans la suite, firent renforcer et augmenter de volume les supports de la coupole, ce qui obligea d’en faire autant à la masse des piédroits de la nef, mais considérant en ellemême la disposition de l’ensemble, arrêté dans le plan de Raphael, on est forcé d’accorder que cette disposition, très-supérieure à celle d’aujourd’hui, sera toujours regretter l’abandon de son projet.

Raphael avoit été nommé architecte de la nouvelle église de Saint-Pîerre par Léon X, au mois d’août 1515. Un bref du mémo Pape, daté du même mois de l’année suivante, lui conféra la surintendance générale de tous les restes d’antiquité, tant des ouvrages dont les matériaux pourroient servir à la décoration de la basilique nouvelle, que des fragmens qui présentoient des inscriptions dignes d’être conservées.

« Sachant (porte le bref) que de toute part, soit ceux qui bâtissent à Rome et dans les environs, soit ceux qui font des fouilles, trouvent abondamment, dans les ruines antiques des marbres de tout genre, je vous donne, en tant qu’architecte en chef de Saint-Pierre, l’inspection générale de toutes les fouilles et découvertes de pierres et de marbres qui se feront dorénavant à Rome et dans une circonférence de dix milles, afin que vous achetiez ce qui pourra convenir à la construction du nouveau temple.

« A cet effet, j’ordonne à toute personne, de quelqu’état ou rang qu’elle soit, noble ou non, constituée en dignité, ou de basse condition, de venir donner à vous, comme surintendant en cette partie, connoissance de toute pierre, de tout marbre, qu’on découvrira dans l’étendue de pays par moi désignée, voulant que quiconque y manquera, soit par vous jugé et muleté d’une amende de cent à trois cents écus d’or.

« Comme, en outre, il m’a été rapporté que les marbriers emploient inconsidérément et taillent des marbres antiques, sans égard aux inscriptions qui y sont gravées, et qui contiennent des monumens importants à conserver pour l’étude de l’érudition et de la langue latine, je fais défense à tous ceux de cette profession de scier ou de tailler aucune pierre écrite, sans votre ordre ou votre permission ; voulant, s’ils ne s’y conforment, qu’ils encourent la peine susdite. »

Paul Jove, contemporain de Raphael, dans l’éloge latin par lui consacré à sa mémoire, dit en propres termes, qu’il avoit étudié et mesuré les restes de l’antique Rome, de manière à en réintégrer l’ensemble, et à pouvoir le mettre sous les yeux des architectes, ut intégram urbem architectorum oculis considerandam proponeret.

Calcagnini, écrivant du vivant même de Raphael, rapporte la même chose, mais en termes beaucoup plus emphatiques. « Je ne parlerai pas, (dit-il), de la basilique du Vatican, dont Raphael dirigea l’architecture, mais bien de la ville entière de Rome, rappelée par lui à son ancien état, et rendue par lui à sa première beauté, avec le secours des écrivains, de leurs descriptions et de leurs récits. Aussi excita-t-il à tel point l’admiration du pape Léon. X, et de tous les Romains, que chacun le regarda comme une sorte de Dieu descendu du ciel pour faire revoir dans son antique splendeur la ville éternelle… Ut quasi cœlitus demissum numen, ad œternam urbem in pristinam majestatem reparandam omnes homines suspiciant. »

En admettant que le genre de l’éloge ait pu induire ces écrivains à vanter avec quelqu’hyperbole une entreprise, que sa nouveauté toutefois devoit rendre très-remarquable, il n’en reste pas moins prouvé que Raphael, qui, comme on l’a vu plus haut, envoyoit des dessinateurs jusqu’en Grèce, avoit embrassé dans un travail général, la restitution de tous les édifices antiques de Rome. Cela même doit paroître d’autant plus vraisemblable, qu’il étoit dès-lors obligé de se livrer à des études plus spéciales d’architecture, et qu’il trouvoit dans sa nombreuse école, tous les secours nécessaires pour réaliser un semblable ouvrage.

Dès-lors doit acquérir plus de probabilité l’opinion avancée par M. Francesconi, savoir, qu’une lettre, ou plutôt, comme nous dirions aujourd’hui, un rapport ou mémoire adressé à Léon X, et attribué à Balthazar Castiglione, parce qu’il fut trouvé dans ses papiers après sa mort, est, du moins pour la plus grande et la plus importante partie, l’ouvrage même de Raphael.

On ne sauroit se refuser à le croire, lorsqu’on

L l 2