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pyramides, dont la disposition seroit fort difficile à expliquer, si l’on ne devoit conclure des paroles mêmes de l’écrivain, que ce récit, est entremêlé de détails fabuleux. S’il falloit toutefois trouver à l’emplacement des quatorze pyramides, une explication raisonnable, ce seroit dans les notions de tous les monumens déjà cités qu’on la trouveroit.

Et d’abord, si l’on doit partir d’un point certain, savoir, qu’une pyramide fut toujours un tombeau, il faudra se garder de croire que les pyramides de Porsenna ne furent que des objets construits pour le plaisir des yeux on de la symétrie. Ce fut pour sa famille que Simon, selon le récit de Josephe, avoit fait construire les sept pyramides de son tombeau. Pourquoi les quatorze pyramides du monument de Porsenna n’auroientelles pas eu une semblable destination ?

Si ensuite on se ráppelle combien furent multipliées sur un même espace de terrain toutes les espèces de pyramides égyptiennes, soit près de Memphis, soit près de Meroé, seroit-il improbable qu’un roi d’Etrurie ait consacré aux sépultures royales un espace particulier, avec des souterrains auxquels on donna le nom de labyrinthe, et que les diverses pyramides, dont la description fait mention, aient été des ouvrages successifs ?

Enfin, si on se rappelle que les pyramides, dont la masse intérieure nous est connue, furent plus ou moins des buttes ou des monticules de terre, pourquoi ne supposeroit-on pas qu’il en fut de même en Etrurie, et que le terrain du labyrinthe ou de la sépulture royale de Porsenna, ayant été naturellement formé de semblables monticules, disposés par la nature les uns au-dessus des autres, ce terrain auroit offert une sorte d’amphithéâtre, qui eût donné lieu aux pyramides qu’on y érigea, de paroître s’élever les-unes au-dessus des autres ? Dès-lors disparoitroit, en expliquant ainsi les supra du texte de Pline, la ridicule supraposition de pyramides, dont on chercheroit vainement la possibilité.

On est trop souvent porté à juger, d’après le peu de restes que le temps a épargnés dans les villes antiques, soit du genre, soit de la quantité d’ouvrages et de monumens que le goût ou l’usage avoit pu y multiplier. Rien cependant de plus hasardé que de telles décisions. Comment pouvoir affirmer qu’une sorte de construction n’existe point ou ne fut pas connue dans tel pays, dans telle ville, où à peine trouve-t-on la centième partie des débris de la centième partie de ses monumens ?

Si la pyramide de C. Cestius ne s’étoit point conservée dans le petit nombre des monumens de l’antique Rome, ne seroit-on pas porté à croire que cette forme de tombeau y fut inusiée ? De ce qu’il ne subsiste aujourd’hui que celle-là, nous devons, donc nous garder de penser qu’elle fut la seule.

Il nous semble toutefois que, si la simplicité des pyramides massives fut très-conforme à la simplicité de l’art de bâtir, d’une nation qui, dans tous ses autres édifices, et dans tous les ouvrages de ses arts, resta stationnaire, et invariablement attachée aax procédés primitifs de l’instinct, le même goût ne dut pas avoir la même faveur à Rome. Quand l’architecture peut développer les formes les plus variées, dans des compositions qui réunissent à une égale solidité, le plaisir de l’effet et de la magnificence, on ne revient guère que par fantaisie, aux idées et aux formes monotones de la construction sans art. Et il se pourreit que la pyramide de Cestius eût été dans son temps, pour les Romains, un simple caprice imitatif de l’Egypte, comme nous voyons qu’une sculpture perfectionnée s’étoit plu aussi à reproduire, sous de meilleures formes, les simulacres sans art des divinités égyptiennes.

Quoi qu’il en soit, la, pyramide de Cestius, aujourd’hui tout-à-fait intègre, grâce à la restauration qui en fut faite en 1663, fut construite tout en maçonnerie qui lui sert de noyau, et revêtue d’assises régulières en marbre blanc, formant une superficie entièrement lisse. Un conduit pratiqué dans une de ses faces, à vingt pieds au-dessus du sol, donnait entrée dans la chambre sépulcrale. Un conduit moderne y a été pratiqué au niveau du sol, pour faciliter aux curieux la visite de ce petit intérieur, qui consiste dans une chambre de quinze à seize pieds de large, sur à peu près vingt de longueur, et où l’on a trouvé quelques peintures sur enduit. La largeur de cette pyramide, à sa base, est d’environ quatre-vingt-dix pieds ; sa hauteur est de cent quatorze.

La pyramide repose sur un plateau formé de deux marches. A chacun de ses angles étoient des piédestaux surmontés d’une colonne, et en avant de ces piédestaux, il y en avoit de plus petits, destinés à porter des statues en bronze. Le pied d’une de ces statues s’est trouvé encore inhérent à sa base, avec un bras de même métal.

L’inscription antique, qu’on lit sur une des faces de la pyramide, nous apprend que le monument a été élevé dans l’espace de 330 jours : OPUS ABSOLUTUM EX TESTAMENTO DIERUS CCCXXX.

Ainsi, moins d’une année suffit à un simple particulier de Rome pour élever tout en maçonnerie revêtue de blocs de marbre blanc poli, une pyramide de 114 pieds de hauteur. Qu’on évalue ce matériel comparé à celui de la plus grande pyramide, qui est de 450 pieds ; que l’on augmente encore, si l’on veut, le travail et la dépense, en raison des difficultés que la grandeur de la masse peut occasionnier, on verra, ce me semble, diminuer de beaucoup le merveilleux qu’on s’est plu, dans tous les temps, à s’exagérer sur le compte de ces monumens.

Ce qu’il faut reconnoître en fait d’architecture, c’est que c’est le travail plus que la matière