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titude rigoureuse et géométrique. La nature elle-même ne s’y est pas soumise dans le détail des créatures. Beaucoup de modifications tendent à produite, en ce genre, des exceptions à la loi générale, et cette loi, on ne la découvre que par l’élude des parallèles, qui nous font connoître dans les individus, quelle fut la volonté de la nature, quant à l’espèce.

Si les individus nous présentent tout à la fois, dans leur conformation considérée en général, un système constant de proportions, et dans leur conformation particulière, des variétés qui empêchent de les considérer comme jetés dans un moule uniforme, il en sera de même pour l’art qui, empruntant à la nature son système de rapports entre le tout et les parties d’un corps, doit aussi le modifier, selon une multitude de cas particuliers.

Ceci s’adresse à ceux qui, refusant tout principe régulateur à l’architecture, se prévalent, pour y nier l’existence de la proportions, des petites irrégularités et des diversités qui s’y rencontrent. On voit, au contraire, qu’en s’appropriant l’esprit et les lois de la nature, dans l’imitation des proportions du corps humain, cet art y est encore fidèle, par le défaut même d’uniformité géométrique.

Ce qu’il nous faut maintenant faire voir, c’est que la proportion n’y est pas un simple rapport de dimensions, mais bien un système lié et combiné de mesures réciproques, entre le tout et ses parties.

Je dis système lié et combiné. Or, c’est à cet égard que beaucoup de personnes se font une fausse idée de la science des proportions. En effet, il ne suffit pas à une architecture, pour être douée de la vertu proportionnelle, de produire des édifices dont les parties se trouvent dans un rapport quelconque avec le tout, et dont le tout, réciproquement, ait une corrélation quelconque avec les parties. L’architecture n’offre un système de proportions, qu’autant que chacune des ses parties constitutives, est dans une dépendance nécessaire de mesure avec son tout, dépendance telle, que chaque partie ayant sa mesure constamment ordonnée par la mesure générale de l’ensemble, auquel elle est coordonnée, puisse faire connoître la dimension réelle de cet ensemble, comme celui-ci fait connoître la mesure positive de chacun des détails qui lui sont subordonnés. Or, nous avons déjà fait voir dans plus d’un article, que c’est là la propriété de l’architecture grecque ; et nous voulons encore montrer ici, que l’architecture grecque est la seule qui soit douée de cette propriété.

On confond ordinairement, dans les productions de l’art de bâtir, certaines qualités abstraites on générales, qui peuvent être propres de tous les ouvrages des hommes, en tout genre et dans tous pays. Nous portons en nous-mêmes une sorte d’instinct, qui nous fait juger dans bien des cas, de la juste correspondance que certaines choses doivent avoir entre elles, particulièrement des rapports de grandeur, de grosseur, de hauteur ou d’étendue. Ainsi tout le monde sait juger de la proportion générale, qui veut que la grosseur d’un corps réponde à son élévation, et l’on sera frappé d’une disproportion de ce genre, dans la statue d’un homme, comme dans le fût d’une colonne. On sera d’accord sur la nécessité que la largeur d’une salle, d’une nef d’église, réponde à sa hauteur. On ne saurait approuver d’énormes supports sous une charge légère, ni une grande pesanteur de voûte, qui semble écraser de frêles soutiens. Dans les plus grandes, comme dans les moindres choses, dans la composition d’un palais, comme dans la fabrication d’un meuble ou d’un vase, il y a de ces rapports que chacun saisit, et ces rapports appartiennent à un accord de proportion simples qui ne forment point un système.

Or, dans tous les ouvrages de toutes les architectures, il peut se donner de ces proportions-là.

Pour en citer un exemple, les intérieurs des églises gothiques ont quelquefois, non pas seulement de ces rapports de dimension qui, comme ou l’a dit plus haut, existent dans tous les objets, et qui, dus au hasard, n’ont non de fixe, et ne sauraient s’appeler proportions. Mais il faut y reconnoître de ces rapports de grandeur, de largeur, de hauteur, qui ont été déterminés par un sentiment assez juste, des impressions agréables que font sur nous les dimensions relatives des objets, considérés dans leur généralité. C’est là ce que j’appelle des proportions simples.

La nature, sans doute, en fournit aussi les exemples, et les leçons, soit dans ses ouvrages, pour celui qui sait y lire, soit dans la constitution de nos sens, et noire faculté de percevoir, pour ceux qui savent ou suivre l’impulsion des uns, ou analyser les lois et les moyens de l’autre.

Il est certain encore qu’on trouve de ces rapports heureux, dans certaines des masses de l’architecture égyptienne, telles que ses frontispices de temples, ses pylones, ses propylées, ses pyramides, et dans plusieurs de celles-ci, on admire de justes proportions entre l’étendue de la base et la hauteur totale du monument. Il est même permis de croire, quand on a bien scruté ; l’esprit des arts de l’Egypte, et la méthode de confection de ses monumens, que tout s’y faisoit en vertu démesures fixées par l’usage, et par la routine religieuse ; et toutefois nous avons vu que des mesures fixes et uniformes, peuvent n’être rien moins qu’un système vrai de proportions, fondé sur une initiation raisonnée de la nature, dans la conformation des corps organisés, et surtout du corps humain. C’est que ce système repose, non pas seulement sur des rapports de mesures générales, comme seroient ceux de la hauteur du corps avec son diamètre, mais sur une liaison réciproque des parties principales, des parties subordonnées, et des moindres parties,