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NAN NAP


mettre. Il avoit déjà présenté un successeur, qui fut trouvé trop jeune. Enfin il proposa Daniel de Volterre. Nanni avoit si bien fait, qu’il étoit parvenu à s’insinuer auprès des commissaires de la fabrique. L’ancienne cabale de San Gallo le soutenoit, et elle vint à bout de lui faire donner la préférence sur Daniel de Volterre.

Déjà il étoit à l’œuvre, et il avoit commencé de faire un pont de charpente, inutile pour le service des matériaux. Michel Ange l’apprend ; l’indignation lui rend toute la vivacité de la jeunesse. Il va sur-le-champ trouver le pape, et lui dénonce le choix que vient de faire la fabrique. On m’a donné, dit-il, un successeur; je ne sais quel homme c’est ; mais si les commissaires de votre Sainteté le connoissent, et s’ils me trouvent de trop, je demande à retourner à Florence. Le pape appaisa Michel Ange, manda les commissaires de la fabrique, pour qu’ils eussent à rendre compte de leur conduite. Ceux-ci alléguèrent des erreurs et des malfaçons dans la construction, qui, disoient-ils, menaçoit ruine. Soupçonnant bien que ces allégations pouvoient n’être que les échos de l’envie et de l’intrigue, le pape envoya vérifier par un homme de confiance, les faits avancés par les commissaires, avec injonction à Nanni d’administrer les preuves des erreurs dont on parloit. Cet éclaircissement justifia Michel Ange et dévoila les menées secrètes de Nanni qui fut ignominieusement congédié. On se rappela alors les bévues qu’il avoit commises quelques années auparavant dans la restauration du pont de Sainte-Marie ; on se souvint que, s’étant fait fort de nettoyer à peu de frais le port d’Ancône, il l’avoit plus encombré en quelques jours, que la mer ne l’avoit fait en dix ans.

Nanni fut un de ces hommes, comme il y en aura toujours, qui doivent précisément à leur médiocrité ce fonds de confiance en eux-mêmes, qui en impose à ce grand nombre d’hommes, dont le besoin est de croire au mérite sur parole, n’importe de qui, même de ceux qui se vantent eux-mêmes. Il auroit pu être bon en seconde ligne, Pour avoir voulu aspirer au premier rang, on ne sauroit lui eu donner aucun.

Si l’on juge de son goût et de son talent par quelques-uns des édifices qu’il a laissés, il fut très-certainement inférieur à tout les architectes de son époque. On ne sauroit trouver de qualité remarquable dans le palais de Ricci, situé rue Giulia. On est d’accord que la partie du palais Mattei, construite sur ses dessins, est inférieure à l’autre. Le palais Salviai, qu’il a élevé à la Longara, est sans doute un édifice important par sa musse, mais d’une disposition peu remarquable, d’un goût assez maussade ; les bossages employés dans sa façade n’y produisent que l’effet de la lourdeur, au lieu de l’impression de force et de sévérité qui doit résulter de leur emploi. Les détails de toute cette architecture ne sont d’accord avec son ensemble, que par le mauvais genre d’exécution qui est commun à toute cette ordonnance.


NAPPE D’EAU, s. f. (Arch. Hydr.) On entend ordinairement par nappe d’eau, une espèce de cascade dont l’eau tombe en forme de nappe mince sur une ligne droite, et telle est celle qu’on voit en tête de l’allée d’eau à Versailles, ou bien sur une ligne courbe ou circulaire, comme sur les bords d’un bassin ou d’une vasque ronde. Les plus belles nappes sont les plus garnies, c’est-à-dire, celles dont la lame d’eau est continue et sans interruption ni brisure; elles ne doivent pas tomber d’une grande hauteur, parce qu’elles se déchirent. Pour éviter ce déchirement, on ne donne aux grandes nappes que deux pouces d’eau par pied courant, et un aux petites nappes des buffets et pyramides. Lorsqu’on n’a pas assez d’eau, pour suivre ces proportions, on déchire la nappe, ce qui se fait en pratiquant des ressauts sur les bords de la coupe de marbre ou de plomb, découpée en forme de coquille; de manière que l’eau ne tombe que par lames interrompues, il est vrai, mais qui n’ont guère moins d’agrément qu’une belle nappe, quand elles sont bien ménagées. Quelquefois on fait courir les eaux dans un canal ondulé qui leur donne plus d’effet et de brillant. Dans les vasques de la place de Saint-Pierre, l’eau tombe en nappe lisse de la première coupe creuse sur une seconde coquille bombée et sculptée en écailles, sur lesquelles l’eau ruisselé, se brise et acquiert un effet brillanté qui contraste avec le luisant uniforme de la nappe supérieure. Quelques fontaines de Paris nous offrent d’assez belles nappes d’eau tombante, telles qu’au Château-d’eau du boulevard Bondi, et surtout à la fontaine des Innocens, où l’on a tiré un si heureux parti des façades sculptées par le célèbre Jean Goujon. On regrette que la fontaine de Grenelle ne soit pas entourée de belles nappes d’eau, qui par leur éclat et leur mouvement, ajouteroient un nouveau prix aux sculptures de Bouchardon. L’habile statuaire en sentoit bien la nécessité dans la composition de son monument dont il a fait lui-même la critique, en indiquant la place que les eaux devoient occuper, par des bouillons de marbre sculpté.

L’habile architecte à qui nous devons l’un des plus beaux monumens de Paris, l’Ecole de médecine, avoit eu l’idée de nous faire apercevoir une vaste nappe d’eau à travers les colonnes du péristyle d’un temple qu’on auroit pu nommer celui de Neptune, et dont cette nappe argentée auroit voilé le sanctuaire. Il n’a pas entièrement réalisé son projet, contrarié par des vues d’une étroite économie dans les eaux et dans la disposition pittoresque de l’édifice, qui, au moyen de jours adroitement. ménagés, auroit produit un bel effet de clair-obscur. Nous devons à la mémoire de Jacques Gondoin, ainsi qu’à l’honneur de notre