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la modinature grecque qui, dans le dorique surtout, témoignent de l'origine de l'architecture, c'est-à-dire, de ce système imitatif des Grecs, dans l'art de bâtir, système dont on a tant de fois parlé.

Il faut citer ici le passage de Vitruve, liv. 4, chap. ii :

« D'autres ensuite, dans d'autres ouvrages, firent projeter à l'aplomb des triglyphes les bouts des forces, & ils ont incliné cette projection. Ainsi, de même que la disposition des solives donna naissance aux triglyphes, de même aussi de la projection de l'extrémité des forces sont nées les mutules sous la corniche. C'est pourquoi, dans les édifices de pierre ou de marbre, les mutules sont taillées eu plan incliné, pour imiter l'inclinaison des forces qui ont nécessairement cette pente dans les toits, pour l'écoulement des eaux. Ainsi, dans le dorique, le système des triglyphes & des mutules est un système imitatif. »

Cette origine, que Vitruve donne aux mutules, est prouvée par tous les monumens doriques de la Grèce, ou les mutules ont l'inclinaison dont il parle. Ce qui confirme encore non le fait, mais la raison de ce fait, ou l'esprit imitatif dont il s'agit, c'est que si on se place en face d'un fronton d'ordre dorique, & qu'on examine sur son profil une mutule d'angle, la ligue de son inclinaison est la même que celle de la partie rampante du fronton.

La distribution des mutules, dans la corniche dorique grecque, est réglée par celle des colonnes ou des triglyphes, en sorte qu'a l'aplomb de chaque triglyphe il y a une mutule. La seule variété en ce genre est celle qui résulte du triglyphe à l'angle ; ce qui fait que, comme ce triglyphe sort un peu de la ligne d'aplomb, la mutule subordonnée au triglyphe, éprouve la même différence.

La mutule a son plafond divisé ordinairement en trois rangs de petites parties circulaires pyramidales, que les uns ont comparées à des clous, les autres à des gouttes, & c'est le nom de goutte qu'on leur donne, car en latin Vitruve les appelle guttæ. Quel est le sens originaire de cet ornement ? Il n'y a pas là-dessus de conjecture pleinement convaincante. Les mutules étant ou représentant les extrémités des forces, ou des chevrons inclinés du toit, rien n'empêcheroit de présumer qu'on auroit pu, dans les toits couverts en planches, comme on en pratique encore dans beaucoup de pays, assurer la planche du bord du toit, & l'assujettir avec des clous qui auroient traversé le bout du chevron, & que cette pratique auroit donné le modèle des gouttes de mutules.


Rien, au reste, de plus superflu que de telles recherches, L'imitation des types de la charpente ou de ses procédés dans l'architecture grecque, est prouvée par assez de témoignages irrécusables, pour qu'on soit dispensé d'en invoquer qui seroient sujets à contestation. Nul doute que, dans l'esprit de ce système, il ne saille faire la part des causes inconnues, ou même de celles qui tiennent au goût de l'ornement, à la symétrie, & au besoin, que l'art a dû avoir, d'accorder quelque chose au plaisir des yeux, & au sentiment des convenances dans les rapports d'objets qui, à tout prendre, procédèrent de l'esprit d'imitation sans être une véritable imitation, encore moins une copie servile.

C'est ce qui nous fournit la réponse à l'objection que s'est faite M. Leroi (Ruines des monumens de la Grèce, tom. I, pag. 44) : «  Je ne sais, dit-il, par quelle raison les Anciens mettoient des mutules au-dessus du milieu des métopes, comme ou en voit dans tous les temples doriques grecs ; & je ne suis pas moins surpris que Vitruve ait enseigné cette méthode. » M. Leroi a voulu dire que la mutule étant l'extrémité des forces ou des chevrons, l'espacement de ces chevrons devant être le même que celui des solives, & par conséquent des triglyphes qui en représentent l'extrémité, il devroit régner entre deux mutules un espace correspondant à l'espace qui sépare deux triglyphes.

Sans doute on pourrait répondre, que peut-être au temps où s'est formé ce modèle en construction de bois, réalisé depuis en pierre par l'architecture, ce genre de couverture exigea une réunion de chevrons dans le toit, plus serrée & plus nombreuse que celle dont on se forme gratuitement l'idée, & qu'ainsi, en multipliant les mutules, on put suivre les erremens de la charpente aux temps primitiss.

Mais quel besoin a-t-on de ces commentaires hypothétiques, lorsqu'on voit dans l'ordonnance dorique, & plus encore dans les autres, une multitude de petites concéssions obtenues par le goût & le besoin de la régularité ? N'avons-nous pas reconnu que les triglyphes, même aux frontispices des édifices, étoient une de ces concessions ; que les triglyphes à l'angle n'avoient pas de raison plausible dans la réalité de la chose ? Et combien d'autres détails de ce genre n'indiqueroit-on pas, qui sont de légères exceptions à la règle, je dirois même qui en sont plutôt l'extension que la transgression !




Fin du tome second