Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T1.djvu/23

Cette page n’a pas encore été corrigée
9
ACC - ACC


& qu’elle doit se mettre au nombre de celles que l’usage a consacrées ; il ne se trompoit pas. L’usage, il est vrai, n’accrédita que trop long-temps, ce systême destructeur de l’ordre & de l’harmonie ; mais, comme il n’étoit fondé que sur l’usage & non sur la raison, il a éprouvé l’inconstance de l’esprit qui l’avoit fait naître. S’il trouve aujourd’hui des apologistes parmi un petit nombre de septiques en Architecture, il n’en compte plus parmi ceux qui la professent & qui sont entièrement revenus au systême des anciens.

Est-il croyable que, pendant tant de siècles, cette invention, si toutefois on peut lui donner ce nom, eût échappé au génie des Grecs & des Romains ? Et n’est-il pas visible que ce furent eux au contraire, qui sçurent échapper à cet abus ainsi qu’à bien d’autres qu’on voudroit transformer en découvertes inconnues aux anciens, pour avoir le droit de se passer de leur autorité & d’éluder leur suffrage ? Mais qu’est-il besoin de l’autorité des anciens pour condamner ce que le simple bon sens réprouve ?

De telle manière qu’on envisage la colonné, soit comme soutien, soit comme décoration, l’Accouplement est vicieux. Comme soutien, il est évident qu’on ne réunit deux forces inutiles à côté l’une de l’autre, qu’aux dépens du grand entre-colonnement, dont le grand vuide, privé de support, rend la construction foible dans un point, tandis qu’elle a, dans un autre, plus de force qu’il ne lui faut. L’œil se trouve blessé de ce dérangement de supports, & de ce défaut de solidité aussi réel qu’apparent. Cette dispositionrépugne aux loix de l’équilibre, de la solidité & de l’harmonie. Elle doit déplaire à la vue, comme déplairoit à l’oreille une musique dont les mesures seroient inégalement báttues Comme décoration, la colonne se refuse également à l’Accouplement. Si on ne la considèreque comme ornement & richesse dans l’Architecture, l’Accouplement des colonnes n’est autre chose que la confusion des richesses ; &, puisque les richesses ne valent que par les repos, & qu’ici les seuls repos sont les entre-colonnemens, il est également certain que la colonne se détachant sur une autre colonne n’est qu’une broderie mise sur une autre broderie ; que par conséquent il y a trop de richesse en un endroit, & trop de repos dans un autre. La colonne d’ailleurs perd à cette disposition la plus grande partie de sa beauté celle qui provient de l’isolement, de même qu’elle perd, sous un grand nombre de points-de-vue, une partie de sa forme. Quels aspects désagréables ne résultent point de ces colonnes accouplées qu’on voit se confondre ensemble, & ne présenter à l’œil que des masses lourdes & souvent bizarres ? Ces effets sont bien plus sensibles & plus vicieux dans les colonnes isolées, que dans celles qui sont adossées. Mais les abus s’augmentent & se multiplient bien davantage encore dans l’ordre Dorique, dont la frise régulière ne sçauroit se prêter à toutes les incohérences de cette disposition. Nous ne rapporterons pas ici les régles qu’on s’est efforcé de trouver pour plier l’ordre le plus


simple & le plus naturel aux combinaisons forcées d’un systême essentiellement vicieux.

Que l’on considère enfin quels abus ne sont point nés & ne peuvent point naître encore de ce désordre en Architecture, & combien dans les Arts comme dans la Morale, un premier pas fait vers le vice peut en entraîner d’autres. Si l’on peut accoupler deux colonnes, pourquoi n’en pas groupper quatre ou six à-la-fois ? Pourquoi proscriroit-on ces aggroupemens monstrueux, enfans d’une licence effrénée, qui ne faisant de l’Architecture qu’un jeu de caprice, l’a deshonnorée par toutes sortes de travers & d’indécences puériles ? Pourquoi condamneroit-on ces bizareries incroyables, imaginées par le délire du dernier siècle ; ces rêves d’une imagination romanesque, qui ne trouve plus rien d’impossible que le possible, & de naturel que l’extraordinaire ; ces élévations fantastiques où toutes les idées d’ordre sont renversées ; ces plans déréglés où l’esprit de confusion semble avoir présidé, pour faire voir jusqu’à quel point on pouvoit, en sens inverse, lutter & rivaliser avec la sagesse & la simplicité d’ordonnance des anciens ?

Il n’est point de raison qui puisse justifier l’Accouplement des colonnes ; &, si l’Architecte s’y trouve forcé dans quelques cas, c’est toujours par le vice de son plan, & non par la nature des choses.

ACCOUPLER, v. act. poser des pilastres ou des colonnes le plus près qu’il est possible l’un de l’autre. Voyez Accouplement.

ACROTERES, s. m. ce mot vient du grec αχρωτηριον, qui signifie pointe, extrémité ; il se disoit en général de toute extrémité du corps, comme sont dans les animaux, le nez, les oreilles, les doitgs ; dans les bâtimens, il signifioit les amortissemens des toits, & dans les navires, les éperons qu’on appelle rostre. Dans les édifices, les Acroteres sont particulièrement des piédestaux, souvent sans base & sans corniche, qu’on met au milieu & aux côtés des frontons, & qui sont destinés à porter des figures. Le même mot signifie quelquefois tout simplement, les extrémités ou faîtes des bâtimens. Les Acroteres des corniches rampantes, selon Vitruve, doivent avoir de hauteur, la moitié de celles du haut du fronton.

On donne aussi le nom d’Acroteres, aux petits murs ou dosserets qu’on place à côté des piédestaux, entre le socle & la tablette des balustrades.

ADAPTER, v. act. c’est ajouter après coup, par encastrement ou assemblage, un membre saillant d’Architecture ou de sculpture à quelques corps d’ouvrage, soit de maçonnerie, soit de menuiserie.

ADDITION, s. f. augmentation qu’on fait à un bâtiment, comme on a ajouté les gros pavillons des Tuilleries, par ordre de Louis XIV, au palais que Catherine de Médicis avoit fait construire par Philibert de Lorme.


Architecture. Tome I. Prem. Part. B