Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T1.djvu/17

Cette page n’a pas encore été corrigée
3
ABR - ABU


d’un pied d’épaisseur. Voyez encore Canal d’arrosage.

ABREUVOIR, s. m. c’est un glacis le pius souvent pavé de grès, & bordé de pierres, qui conduit à un bassin ou à une rivière, pour abreuver les chevaux.

ABRIER, v. act. (terme de Jardinage) c’est mettre une couche, une fleur, à l’abri du vent. Pour abrier les fleurs & les fruits, les jardiniers se servent de cloches de verre & de paillassons.

ABUS, s. m. on appelle ainsi en Architecture, des pratiques introduites par le désir d’innover & autorisées par l’habitude, qui tendent le plus souvent à dénaturer les plus solides principes, & à corrompre les meilleures choses, par le mauvais & vicieux emploi qu’on en fait. Les Abusrésultent ordinairement, ou des fausses conséquences qu’on tire des principes les plus vrais en eux mêmes ; ou des analogies forcées, qu’on déduit d’exemples fameux & de licences autorisées ; ou de l’application erronnée de ces règles équivoques, dont le sentiment seul peut être le juge, comme il en fut l’auteur.

Les Abus sont en Architecture, ce que sont les paradoxes en Morale. Il en est que le simple bon sens est capable de renverser ; il en est qui s’appuyant de l’exemple & de l’usage, exigent toute la force du raisonnement pour être combattus ; il en est d’autres qui sçavent prendre, si l’on peut le dire, la raison en défaut, & que le goût perfectionné, & le sentiment du vrai beau peuvent seuls détruire.

Mais il ne faut pas espérer de déraciner tous les Abus de l’Architecture : plusieurs sont identifiés avec les mœurs & les usages des peuples ; d’autres n’ont pris force de loi, que par le laps des siècles & le pouvoir de l’habitude. De même que dans les langues, il se trouve beaucoup de manières de parler, contraires aux règles de la Grammaire, & qu’un long usage à autorisées, au point qu’il n’est pas même permis de les corriger ; &, que d’autres moins généralement reçues, peuvent être rejettées par les écrivains qui sont en possession de fixer les règles du langage ; de même on peut remarquer dans l’Architecture deux sortes d’Abus, par rapport au crédit qu’ils se sont acquis.

Les premiers, non seulement se sont rendus supportables par l’habitude, mais ils sont devenus tellement nécessaires, que nonobstant la raison & les anciennes règles, ils sont parvenus eux mêmes à être des règles d’Architecture. Ces Abus sont le renflement des colonnes, les modillons des frontons perpendiculaires à l’horizon, & non à la ligne de la pente du tympan. On peut encore ajouter la manière reçue, de mettre des modillons aux quatre côtés d’un édifice, & à la corniche qui traverse sous le fronton ; d’en mettre à un premier ordre, au lieu de les réserver pour le dernier d’en haut. Les modillons, en effet, ne devant être qu’aux côtés sur lesquels sont posés les


chevrons & les forces, dont il représentent les extrémités, ne doivent point être à la corniche qui traverse sous le fronton ; mais seulement au fronton ; & n’y ayant rien de plus contraire, à ce que les modillons doivent représenter, que de les mettre aux endroits où il ne peut y avoir ni chevron, ni force, ni pannes.

Les autres Abus n’ont encore d’autorité, qu’autant qu’il en faut pour se faire supporter : on doit les condamner absolument, ou du moins, les éviter pour la plus grande perfection.

Palladio en a fait un chapitre : il les réduit seulement à quatre, sçavoir : d’employer des cartouches à supporter des objets quelconques ; de briser les frontons & les laisser ouverts par le milieu ; d’affecter la grande saillie des corniches ; & de faire des colonnes à bossage. Si Palladio eût écrit de nos jours, son chapitre des Abus, eût probablement été plus long. Perrault l’a augmenté de plusieurs, dont voici les principaux.

Le premier est de faire que des colonnes ou des pilastres se pénétrent & se confondent l’un dans l’autre ; cette pénétration dans les colonnes, est plus rare que dans les pilastres. On en voit un exemple dans la cour du Louvre, où, aux angles rentrant, on a mis deux colonnes au lieu d’une, qui eut pû faire ce que font les deux & même plus naturellement. Cet Abus est plus ordinaire dans les pilastres, la pratique des modernes étant, lors qu’un pilastre fait avant-corps, & en fait faire un pareil à l’entablement & au piedestal, de lui joindre un demi pilastre qui le pénétre, & qui en est pénétré.

Le deuxième Abus est l’accouplement des colonnes, dont l’antiquité ne nous a point transmis d’exemples. Voyez ACCOUPLEMENT.

Le troisième est d’élargir les Métopes dans l’ordre Dorique, pour donner aux entrecolonnemens, les largeurs dont on a besoin. Voyez METOPES & ORDRE DORIQUE.

Le quatrième, est de supprimer dans le chapiteau Ionique moderne, la partie inférieure du tailloir que quelques uns appellent l’écorce, qui est ce qui fait la volute dans le chapiteau Ionique ancien.

Le cinquième Abus, est de faire un grand ordre comprenant plusieurs étages, au lieu de donner un ordre à chaque étage, ainsi que faisoient les anciens ; il y a apparence que cette licence est fondée sur l’imitation des cours des anciens, appellées Cavaedium & principalement de celles qu’ils nommoient Corinthiennes, où l’entablement des bâtimens qui les entouroit, étoit soutenu par des colonnes qui alloient de bas en haut, formoient gallerie tout au tour, & comprenoient dans leur hauteur plusieurs étages. Voyez ORDRE.

Le sixième Abus, consiste à joindre, contre la pratique ordinaire des anciens, la plinthe de la base de la colonne, avec l’extrémité de la corniche du piedestal, en manière de congé ; ce qui supprime en effet cette partie essentielle de la base, & la fait