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ARCHITECTURE.
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ABAJOUR, subst. masc. quelques uns écrivent ABBAJOUR, d’autres ABATJOUR : espèce de fenêtre en forme de grand soupirail, dont l’usage est d’éclairer tout étage souterrain, comme cuisines, offices, caves, &c. Elle reçoit le jour, par le moyen de l’embrasement de l’appui qui est en glacis, autant incliné que l’épaisseur du mur peut le permettre.

On appelle aussi Abajour, la fermeture ou glacis d’un vitrail d’église ou de dôme, d’un grand salon ou gallerie, &c. Lors qu’on est obligé de pratiquer à cette croisée, un glacis à la traverse supérieure ou inférieure de son embrasure, pour raccorder la décoration extérieure & intérieure d’un édifice, comme on le remarque aux églises de la Sorbonne & des Invalides.

Le mot Abajour est composé de ces deux mots, abattre, & jour, parce que cette sorte de fenêtre affoiblit, diminue la lumière, en la faisant descendre de haut en bas.

ABAISSER, verb. act. terme de jardinage, c’est couper une branche près du tronc, la ravaler. On abaisse les arbres fruitiers, quand ils sont trop vieux, pour leur faire prendre une figure convenable en les taillant.

ABAQUE, s. m. c’est la partie supérieure, ou le couronnement du chapiteau de la colonne. Ce mot vient du latin Abacus, du grec Αβαξ, & plus loin encore de l’hébreu, qui veut dire Extolli, être élevé, ou du phénicien יא, qui signifie poussière & poudre. Les anciens Mathématiciens se servoient pour dessiner leurs figures, d’une petite table couverte de poussière, sur la quelle ils traçoient leurs plans & leurs lignes, témoin le passage de Perse :

Nec qui abaco numeros & facto in pulvere metas
Scit risisse vafer.

Sat. 1. v. 131.

Toutes ces étymologies prouvent que l’Abaque étoit ou une planche élevée, ou tout au moins une table ; ce qui convient parfaitement à l’usage & à la forme de l’Abaque, ou tailloir des chapiteaux.

L’Abaque fut le chapiteau primitif. Si l’on en recherche l’origine dans la charpente, ce ne fut autre chose qu’un morceau de bois quarré qu’on mit entre la colonne & l’architrave, pour assurer l’une & mieux asseoir l’autre. Il fut d’abord très épais & très saillant, comme nous l’indiquent encore les tailloirs des co-


lonnes doriques Grecques, qui ont conservé fidèlement écrite, l’histoire de leur origine ; dans la suite une partie de l’Abaque taillé en bizeau, servit à faire l’échine ; celle-ci s’arrondit & s’embellit par les recherches de l’Art ; l’Abaque ne fit plus enfin qu’une portion du chapiteau.

Si l’on veut qu’il ait pris naissance dans les constructions en pierre, il ne dut être imaginé, comme dans la charpente, que pour donner aux pierres de l’architrave, une assiette plus solide & plus étendue. Les Egyptiens n’employerent souvent pour tout chapiteau, qu’un simple Abaque. Ses formes varient beaucoup chez eux : le plus souvent il ne consiste qu’en un dé de pierre ; il s’en trouve aussi quelquefois, jusqu’à trois l’un sur l’autre ; on l’y voit presque toujours nud, & par fois orné. Voyez. Archit. Egypt.

L’Abaque est, comme on le voit, une partie des plus importantes à la solidité réelle & apparente de l’Architecture. Et cette invention étant du nombre de celles que la nature, en tous temps & en tous lieux suggère à tous les hommes, on ne doit point s’étonner de voir qu’elle est commune à tous les peuples. Les Chinois cependant, qui le plus souvent usent de colonnes en bois, les employent assez volontiers sans chapiteau & sans Abaque.

On doit s’étonner davantage de quelques exemples modernes, où la supression de l’Abaque se fait remarquer. Une pareille licence dans l’Architecture régulière que nous professons ne sçauroit jamais s’excuser ; cet abus est d’autant plus blamable, que dans les exemples en question, où l’Abaque est supprimé, l’on a conservé l’échine sur laquelle pose l’Architrave. On ne sçauroit douter que la méthode Chinoise ne soit préférable à celle-ci ; & que, si des raisons impérieuses forçoient de supprimer l’Abaque, il ne valût mieux renoncer tout-à-fait au chapiteau.

L’Abaque est devenu, d’après les règles de l’Art, une partie essentielle & constitutive du chapiteau. Ce couronnement a une forme différente, selon les ordres d’Architecture. Au Toscan, au Dorique, à l’Ionique, il est quarré ; au Corinthien & au Composite, il est échancré sur les faces. Dans ces deux derniers ordres, ses angles s’appellent Cornes, le milieu Balai, & la courbure Arc ou Ove. Cette courbure a ordinairement une rose dans le milieu ; dans le Dorique grec ou l’ancien Dorique, l’Abaque a la moitié du chapiteau ; mais, dans le Dorique postérieur, dans le Toscan & dans l’Ionique, les