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n’avait guère fait que le suivre, lorsque, de nos jours, J. Bentham a eu des aperçus neufs dans ses Sophismes parlementaires, estimable ouvrage déjà deux fois traduit en français.

J. T-v-s.

SOPHISTICATION, voy. Falsification.

SOPHOCLE, un des trois grands poëtes tragiques de la Grèce, et le plus parfait, au jugement de la plupart des critiques, naquit environ 5 siècles av. J.-C. L’année précise de sa naissance est sujette à quelques difficultés. L’indication qui se concilie le mieux avec les circonstances de sa vie est celle du scoliaste grec, qui le fait naître dans la 2e année de la lxxie olympiade (495 av. J.-C.). Les marbres de Paros avancent de trois ans l’époque de sa naissance, en la fixant à la 3e année de la lxxe olymp. Quant à l’allégation de Suidas, qui la porterait à la 3e année de la lxxiiie olymp., elle s’accorde mal avec les époques les mieux connues de ses ouvrages. Plus jeune qu’Eschyle de 25 ou 30 ans, Sophocle était plus âgé qu’Euripide d’environ 15 ans. La tradition a attaché le nom de ces trois poëtes au souvenir de la journée de Salamine (480 av. J.-C.) : elle rapporte qu’Eschyle combattit avec valeur dans les rangs des défenseurs d’Athènes ; Sophocle fut choisi, à cause de sa beauté, pour être coryphée des adolescents qui, la lyre en main, le corps nu et parfumé, chantèrent l’hymne de victoire et dansèrent autour des trophées ; et Euripide naquit pendant le combat, dans l’île même de Salamine.

Sophocle était de Colone, bourg situé aux portes d’Athènes, qu’il a chanté dans son Œdipe à Colone. D’après des auteurs cités par le scoliaste qui a écrit sa vie, son père, Sophile, aurait été forgeron ; mais le scoliaste révoque en doute cette assertion, parce que, dit-il, « il n’est pas vraisemblable qu’un homme d’une telle extraction eût été nommé général conjointement avec les premiers citoyens d’Athènes, tels que Périclès et Thucydide. » Cette réflexion pourra paraître bien aristocratique, appliquée à un gouvernement tel que celui d’Athènes. « En outre, continue le biographe, les poëtes comiques, auxquels la naissance d’Euripide, fils d’une fruitière, a fourni de si grossières plaisanteries, n’eussent pas ménagé à Sophocle les traits mordants qu’ils n’épargnèrent pas même à Thémistocle. Peut-être, ajoute-t-il, son père avait-il des esclaves forgerons et ouvriers en airain. » Si l’on goûte ces raisons, il faudra en revenir au témoignage de Pline le naturaliste, qui, d’après d’autres autorités, assure que Sophocle était issu d’une grande famille, principe loco genitum.

Les anciens n’ont pas oublié de nous apprendre que Sophocle reçut une éducation brillante : il s’exerça, dans son enfance, à la palestre et à la musique, et il fut couronné dans l’un et l’autre exercice. Son biographe et Athénée (I, 20) lui donnent pour maître le musicien Lampros ; peut-être est-ce le même que le célèbre poëte lyrique cité par Plutarque {De musicâ).

Des avis divers ont été émis sur la question de savoir quand Sophocle fit représenter sa première pièce. Selon les marbres de Paros, il vainquit pour la première fois sous l’archonte Apsephion, la 4e année de la lxxviie olympiade, à l’âge de 28 ans. (Nous avons vu que cette chronique lapidaire le fait naître, ol. lxx, 4.) Cette date nous paraît la plus conforme au récit détaillé de Plutarque dans la Vie de Cimon, ch. 8 : « Cet acte, dit-il (Cimon avait rapporté de Scyros les ossements de Thésée), lui valut la faveur du peuple, et c’est à cette occasion que s’établit le jugement des tragédies par des juges désignés. En effet, Sophocle, encore jeune, faisant représenter sa première pièce, comme il y avait du tumulte et de la cabale parmi les spectateurs, l’archonte Aphepsion (Plutarque écrit ce nom autrement que les marbres de Paros) ne tira pas au sort les juges du concours ; mais Cimon s’étant avancé sur le théâtre avec les généraux, ses collègues, pour faire aux dieux les libations voulues, il ne les laissa pas se retirer ; mais, leur ayant fait prêter serment, il les força de s’asseoir et de juger, étant au nombre de dix, un de chaque tribu. »

Le biographe d’Eschyle dit qu’il fut vaincu par Sophocle encore jeune, et qu’à cette occasion il quitta Athènes, pour se retirer en Sicile. Sophocle fit en effet