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UNE PAGE D’AMOUR.

Mais ils dirent que non, ils s’empressèrent de la rassurer. Et comme Rosalie arrivait, portant un immense plat, M. Rambaud s’écria, pour cacher son émotion :

— Qu’est-ce que je disais ! encore une surprise !

La surprise, ce jour-là, était une crème à la vanille, un des triomphes de la cuisinière. Aussi fallait-il voir le rire large et muet avec lequel elle la posa sur la table. Jeanne battait des mains, en répétant :

— Je le savais, je le savais !… J’avais vu les œufs dans la cuisine.

— Mais je n’ai plus faim ! reprit M. Rambaud d’un air désespéré. Il m’est impossible d’en manger.

Alors, Rosalie devint grave, pleine d’un courroux contenu. Elle dit simplement, l’air digne :

— Comment ! une crème que j’ai faite pour vous !… Eh bien ! essayez de ne pas en manger… Oui, essayez…

Il se résigna, prit une grosse part de crème. L’abbé restait distrait. Il roula sa serviette, se leva avant la fin du dessert, comme cela lui arrivait souvent. Un instant, il marcha, la tête penchée sur une épaule ; puis, quand Hélène quitta la table à son tour, il lança à M Rambaud un coup d’œil d’intelligence, et emmena la jeune femme dans la chambre à coucher. Derrière eux, par la porte laissée ouverte, on entendit presque aussitôt leurs voix lentes, sans distinguer les paroles.

— Dépêche-toi, disait Jeanne à M. Rambaud qui semblait ne pouvoir finir un biscuit. Je veux te montrer mon travail.

Mais il ne se pressait pas. Lorsque Rosalie se mit à ôter le couvert, il lui fallut pourtant se lever.

— Attends donc, attends donc, murmurait-il,