Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
LES ROUGON-MACQUART.

en tirait des curiosités, des cailloux transparents, pris au bord de la Seine, d’anciennes ferrures, des baies sauvages qui se séchaient, des débris méconnaissables dont les chiffonniers n’avaient pas voulu. Sa passion était surtout les images. Le long des routes, il ramassait les papiers qui avaient enveloppé du chocolat ou des savons, et sur lesquels on voyait des nègres et des palmiers, des almées et des bouquets de roses. Les dessus des vieilles boîtes crevées, avec des dames blondes et rêveuses, les gravures vernies et le papier d’argent des sucres de pomme, jetés dans les foires des environs, étaient ses grandes trouvailles, qui lui gonflaient le cœur. Tout ce butin disparaissait dans ses poches ; il enveloppait d’un bout de journal les plus beaux morceaux. Et, le dimanche, quand Rosalie avait un moment à perdre, entre une sauce et un rôti, il lui montrait ses images. C’était pour elle, si elle voulait ; seulement, comme le papier, autour, n’était pas toujours propre, il découpait les images, ce qui l’amusait beaucoup. Rosalie se fâchait, des brins de papier s’envolaient jusque dans ses plats ; et il fallait voir avec quelle malice de paysan, tirée de loin, il finissait par s’emparer de ses ciseaux. Parfois, pour se débarrasser de lui, elle les lui donnait brusquement.

Cependant, un roux chantait dans un poêlon. Rosalie surveillait la sauce, une cuiller de bois à la main, pendant que Zéphyrin, la tête penchée, le dos élargi par ses épaulettes rouges, découpait des images. Ses cheveux étaient tellement ras, qu’on lui voyait la peau du crâne, et son collet jaune bâillait par derrière, montrant le hâle du cou. Pendant des quarts d’heure entiers, tous deux ne disaient rien. Lorsque Zéphyrin levait la tête, il regardait Rosalie