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LES ROUGON-MACQUART.

un tel remue-ménage, qu’elle se décida à aller voir.

— Qu’est-ce donc ? demanda-t-elle, vous vous battez avec les meubles ?

— Je lave, Madame, répondit Rosalie, ébouriffée et suante, accroupie par terre, en train de frotter le carreau de toute la force de ses petits bras.

C’était fini, elle épongeait. Jamais elle n’avait fait sa cuisine aussi belle. Une mariée aurait pu y coucher, tout y était blanc comme pour une noce. La table et le buffet semblaient rabotés à neuf, tant elle y avait usé ses doigts. Et il fallait voir le bel ordre, les casseroles et les pots par rangs de grandeur, chaque chose à son clou, jusqu’à la poêle et au gril qui reluisaient, sans une tache de fumée. Hélène resta là un instant, silencieuse ; puis, elle sourit et se retira.

Alors, chaque samedi, ce fut un nettoyage pareil, quatre heures passées dans la poussière et dans l’eau. Rosalie voulait, le dimanche, montrer sa propreté à Zéphyrin. Elle recevait ce jour-là. Une toile d’araignée lui aurait fait honte. Lorsque tout resplendissait autour d’elle, cela la rendait aimable et la faisait chanter. À trois heures, elle se lavait encore les mains, elle mettait un bonnet avec des rubans. Puis, tirant à demi le rideau de cotonnade, ménageant un jour de boudoir, elle attendait Zéphyrin au milieu du bel ordre, dans une bonne odeur de thym et de laurier.

À trois heures et demie, exactement, Zéphyrin arrivait ; il se promenait dans la rue, tant que la demie n’avait pas sonné aux horloges du quartier. Rosalie écoutait ses gros souliers buter contre les marches, et lui ouvrait, quand il s’arrêtait sur le palier. Elle lui avait défendu de toucher au cordon de sonnette. Chaque fois, ils échangeaient les mêmes paroles.