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UNE PAGE D’AMOUR.

de le ramasser et de le faire taire. Pauline ne demandait pas mieux. Elle courut, se jeta par terre à côté de l’enfant, se roula un instant avec lui. Mais il se débattait, il ne voulait pas qu’on le prît. Elle se releva pourtant, en le tenant sous les bras ; et, pour le calmer :

— Tais-toi, braillard ! dit-elle. Nous allons nous balancer.

Lucien se tut brusquement, Jeanne perdit son air grave, et une joie ardente illumina son visage. Tous trois coururent vers la balançoire. Mais ce fut Pauline qui s’assit sur la planchette.

— Poussez-moi, dit-elle aux enfants.

Ils la poussèrent de toute la force de leurs petites mains. Seulement, elle était lourde, ils la remuaient à peine.

— Poussez donc ! répétait-elle. Oh ! les grosses bêtes, ils ne savent pas.

Dans le pavillon, madame Deberle venait d’avoir un léger frisson. Elle trouvait qu’il ne faisait pas chaud, malgré ce beau soleil. Et elle avait prié Malignon de lui passer un burnous de cachemire blanc, accroché à une espagnolette. Malignon s’était levé pour lui poser le burnous sur les épaules. Tous deux causaient familièrement de choses qui intéressaient fort peu Hélène. Aussi cette dernière, inquiète, craignant que Pauline, sans le vouloir, ne renversât les enfants, alla-t-elle dans le jardin, laissant Juliette et le jeune homme discuter une mode de chapeaux qui les passionnait.

Dès que Jeanne vit sa mère, elle s’approcha d’elle, d’un air câlin, avec une supplication dans toute sa personne.

— Oh ! maman, murmura-t-elle ; oh ! maman…