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UNE PAGE D’AMOUR.

— Votre goût, parlons-en ! Il est joli, votre goût !… On vous a rencontré avec une dame…

— Quelle dame ? demanda-t-il, surpris par la rudesse de l’attaque.

— Un beau choix, je vous en fais mon compliment. Une fille que tout Paris…

Mais elle se tut, en apercevant Pauline. Elle l’avait oubliée.

— Pauline, dit-elle, va donc une minute dans le jardin.

— Ah ! non, c’est fatigant à la fin ! déclara la jeune fille qui se révoltait. On me dérange toujours.

— Va dans le jardin, répéta Juliette avec plus de sévérité.

La jeune fille s’en alla en rechignant. Puis, elle se tourna, pour ajouter :

— Dépêchez-vous au moins.

Dès qu’elle ne fut plus là, madame Deberle tomba de nouveau sur Malignon. Comment un garçon distingué comme lui pouvait-il se montrer en public avec cette Florence ? Elle avait au moins quarante ans, elle était laide à faire peur, tout l’orchestre la tutoyait aux premières représentations.

— Avez-vous fini ? cria Pauline, qui se promenait sous les arbres d’un air boudeur. Je m’ennuie, moi.

Mais Malignon se défendait. Il ne connaissait pas cette Florence ; jamais il ne lui avait adressé la parole. On avait pu le voir avec une dame, il accompagnait quelquefois la femme d’un de ses amis. D’ailleurs, quelle était la personne qui l’avait vu ? Il fallait des preuves, des témoins.

— Pauline, demanda brusquement madame Deberle, en haussant la voix, n’est-ce pas que tu l’as rencontré avec Florence ?