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UNE PAGE D’AMOUR.

cette pensée d’angoisse qu’elle la tuait en ne trouvant pas tout de suite un médecin. Alors, comme elle remontait la rue Vineuse, elle se pendit à une sonnette. Elle allait toujours demander ; on lui donnerait peut-être une adresse. Elle sonna de nouveau, parce qu’on ne se hâtait pas. Le vent plaquait son mince jupon sur ses jambes, et les mèches de ses cheveux s’envolaient.

Enfin, un domestique vint ouvrir et lui dit que le docteur Deberle était couché. Elle avait sonné chez un docteur, le Ciel ne l’abandonnait donc pas ! Alors, elle poussa le domestique pour entrer. Elle répétait :

— Mon enfant, mon enfant se meurt !… Dites-lui qu’il vienne.

C’était un petit hôtel plein de tentures. Elle monta ainsi un étage, luttant contre le domestique, répondant à toutes les observations que son enfant se mourait. Arrivée dans une pièce, elle voulut bien attendre. Mais, dès qu’elle entendit à côté le médecin se lever, elle s’approcha, elle parla à travers la porte.

— Tout de suite, monsieur, je vous en supplie… Mon enfant se meurt !

Et, lorsque le médecin parut en veston, sans cravate, elle l’entraîna, elle ne le laissa pas se vêtir davantage. Lui, l’avait reconnue. Elle habitait la maison voisine et était sa locataire. Aussi, quand il lui fit traverser un jardin pour raccourcir en passant par une porte de communication qui existait entre les deux demeures, eut-elle un brusque réveil de mémoire.

— C’est vrai, murmura-t-elle, vous êtes médecin, et je le savais… Voyez-vous, je suis devenue folle… Dépêchons-nous.

Dans l’escalier, elle voulut qu’il passât le premier. Elle n’eût pas amené Dieu chez elle d’une façon