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UNE PAGE D’AMOUR.

rait longuement de faim, brisa tout d’un coup le cœur d’Hélène. Elle pressa le pas, avec la pensée qu’elle n’oserait de longtemps se risquer le long de l’escalier, de peur d’y entendre ce miaulement de mort.

Justement, on était au mardi. Le soir, à sept heures, comme Hélène achevait une petite brassière, les deux coups de sonnette habituels retentirent, et Rosalie ouvrit la porte, en disant :

— C’est monsieur l’abbé qui arrive le premier, aujourd’hui… Ah ! voici monsieur Rambaud.

Le dîner fut très-gai, Jeanne allait mieux encore, et les deux frères, qui la gâtaient, obtinrent qu’elle mangerait un peu de salade, qu’elle adorait, malgré la défense formelle du docteur Bodin. Puis, lorsqu’on passa dans la chambre, l’enfant encouragée se pendit au cou de sa mère en murmurant :

— Je t’en prie, petite mère, mène-moi demain avec toi chez la vieille femme.

Mais le prêtre et M. Rambaud furent les premiers à la gronder. On ne pouvait pas la mener chez les malheureux, puisqu’elle ne savait pas s’y conduire. La dernière fois, elle avait eu deux évanouissements, et durant trois jours, même pendant son sommeil, ses yeux gonflés ruisselaient.

— Non, non, répéta-t-elle, je ne pleurerai pas, je le promets.

Alors, sa mère l’embrassa, en disant :

— C’est inutile, ma chérie, la vieille femme se porte bien… Je ne sortirai plus, je resterai toute la journée avec toi.