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LES ROUGON-MACQUART.

de la pierre du caveau qui retombait. C’était fini.

Cependant, Pauline l’avait aperçue et la montrait à madame Deberle. Celle-ci se fâcha presque, murmurant :

— Comment ! elle est venue ! Mais ça ne se fait pas, c’est de très-mauvais goût !

Elle s’avança, lui témoigna par son air de figure qu’elle la désapprouvait. D’autres dames s’approchèrent à leur tour, curieusement. M. Rambaud l’avait rejointe, debout et silencieux près d’elle. Elle s’était appuyée à un des acacias, se sentant défaillir, fatiguée de tout ce monde. Tandis qu’elle répondait par des hochements de tête aux condoléances, une seule pensée l’étouffait : elle était arrivée trop tard, elle avait entendu le bruit de la pierre qui retombait. Et ses yeux revenaient toujours au caveau, dont un gardien du cimetière balayait la marche.

— Pauline, surveille les enfants, répétait madame Deberle.

Les petites filles agenouillées se levaient comme un vol de moineaux blancs. Quelques-unes, trop petites, les genoux perdus dans leurs jupes, s’étaient assises par terre ; on dut les ramasser. Pendant qu’on descendait Jeanne, les grandes avaient allongé la tête, pour voir au fond du trou. C’était très-noir, un frisson les pâlissait. Sophie assurait tout bas qu’on restait là dedans des années, des années. La nuit aussi ? demandait une des demoiselles Levasseur. Certainement, la nuit aussi, toujours. Oh ! la nuit, Blanche y serait morte. Toutes se regardaient, les yeux très-grands, comme si elles venaient d’entendre une histoire de voleurs. Mais quand elles furent debout, lâchées autour du caveau, elles redevinrent roses ; ce n’était pas vrai, on disait des contes pour rire. Il faisait trop bon,