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LES ROUGON-MACQUART.

qu’elle eut son compte. Elle avait passé elle-même à l’administration des Pompes funèbres, discutant les classes, choisissant les draperies. On tendrait les grilles du jardin, on exposerait le corps au milieu des lilas, déjà couverts de fines pointes vertes. Ce serait charmant.

— Mon Dieu ! pourvu qu’il fasse beau demain ! laissa-t-elle échapper le soir, après ses courses faites.

La matinée fut radieuse, un ciel bleu, un soleil d’or, avec cette haleine pure et vivante du printemps. Le convoi était pour dix heures. Dès neuf heures, les tentures furent posées. Juliette vint donner aux ouvriers des conseils. Elle voulait qu’on ne couvrit pas complètement les arbres. Les draperies blanches, à franges d’argent, ouvraient un porche entre les deux battants de la grille, rabattus dans les lilas. Mais elle rentra vite au salon, elle vint recevoir ces dames. On se réunissait chez elle, pour ne pas encombrer les deux pièces de madame Grandjean. Seulement, elle était bien ennuyée, son mari avait dû partir le matin pour Versailles : une consultation qu’on ne pouvait remettre, disait-il. Elle restait seule, jamais elle ne s’en tirerait.

Madame Berthier arriva la première, avec ses deux filles.

— Croyez-vous, s’écria madame Deberle, Henri qui me lâche !… Eh bien ! Lucien, tu ne dis pas bonjour ?

Lucien était là, tout prêt pour l’enterrement avec des gants noirs. Il parut surpris à la vue de Sophie et de Blanche, habillées comme si elles allaient à une procession. Un ruban de soie serrait leur robe de mousseline, leur voile, qui tombait jusqu’à terre, cachait leur petit bonnet de tulle-illusion. Pendant que