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UNE PAGE D’AMOUR.

la chandelle avec des pissenlits, ça ôte l’eau qui est dans le corps… Ah ! vous pouvez dire que vous connaissez là un brave médecin ! Vous le connaissez peut-être bien depuis longtemps ?… Mon Dieu ! que j’ai soif ! J’ai le feu dans le sang… Il est marié, n’est-ce pas ? Il mérite bien d’avoir une bonne femme et de beaux enfants… Enfin, ça fait plaisir de voir que les braves gens se connaissent.

Hélène s’était levée pour lui donner à boire.

— Eh bien ! au revoir, mère Fétu, dit-elle. À demain.

— C’est cela… Que vous êtes bonne !… Si j’avais seulement un peu de linge ! Voyez ma chemise, elle est en deux. Je suis couchée sur un fumier… Ça ne fait rien, le bon Dieu vous rendra tout ça.

Le lendemain, lorsque Hélène arriva, le docteur Deberle était chez la mère Fétu. Assis sur la chaise, il rédigeait une ordonnance, pendant que la vieille femme parlait avec sa volubilité larmoyante.

— Maintenant, monsieur, c’est comme un plomb… Pour sûr, j’ai du plomb dans le côté. Ça pèse cent livres, je ne peux pas me retourner.

Mais quand elle aperçut Hélène, elle ne s’arrêta plus.

— Ah ! c’est la bonne dame… Je le disais bien à ce cher monsieur : Elle viendra, le ciel tomberait qu’elle viendrait tout de même… Une vraie sainte, un ange du paradis, et belle, si belle qu’on se mettrait à genoux dans les rues pour la voir passer… Ma bonne dame, ça ne va pas mieux. À cette heure, j’ai un plomb là… Oui, je lui ai raconté tout ce que vous faisiez pour moi. L’empereur ne fait pas davantage… Ah ! il faudrait être bien méchant pour ne pas vous aimer, bien méchant…

Pendant qu’elle lâchait ces phrases en roulant la