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LES ROUGON-MACQUART.

loge de madame Bergeret. En haut, ce fut Rosalie qui le reçut.

— C’est vous, monsieur. Entrez. Je vais dire que vous êtes arrivé… Madame doit vous attendre.

Elle ne témoignait aucune surprise de le voir à cette heure. Pendant qu’il entrait dans la salle à manger, sans trouver une parole, elle continua, bouleversée :

— Oh ! mademoiselle est bien mal, bien mal, monsieur… Quelle nuit ! Les jambes me rentrent dans le corps.

Elle le quitta. Le docteur, machinalement, s’était assis. Il oubliait qu’il était médecin. Le long du quai, il avait rêvé de cette chambre où Hélène allait l’introduire, en posant un doigt sur ses lèvres, pour ne pas réveiller Jeanne, couchée dans le cabinet voisin ; la veilleuse brûlerait, la pièce serait noyée d’ombre, leurs baisers ne feraient pas de bruit. Et il était là, comme en visite, avec son chapeau devant lui, à attendre. Derrière la porte, une toux opiniâtre déchirait seule le grand silence.

Rosalie reparut, traversa rapidement la salle à manger, une cuvette à la main, en lui jetant cette simple parole :

— Madame a dit que vous n’entriez pas.

Il demeura assis, ne pouvant s’en aller. Alors, le rendez-vous serait pour un autre jour ? Cela l’hébétait, comme une chose impossible. Puis, il faisait une réflexion : cette pauvre Jeanne manquait vraiment de santé ; on n’avait que du chagrin et des contrariétés avec les enfants. Mais la porte se rouvrit, le docteur Bodin se présenta, en lui demandant mille pardons. Et, pendant un moment, il enfila des phrases : on était venu le chercher, il serait toujours très-heureux de consulter son illustre confrère.