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LES ROUGON-MACQUART.

elle la suivait seulement d’un long regard. Puis, lorsqu’elle était seule, elle se rapetissait sur sa chaise et demeurait ainsi des heures, sans bouger.

— Maman, est-ce loin, l’Italie ? demanda-t-elle, quand Hélène s’approcha pour l’embrasser.

— Oh ! très-loin, ma mignonne.

Mais Jeanne la tenait par le cou. Elle ne la laissa pas se relever tout de suite, murmurant :

— Hein ? Rosalie garderait ici tes affaires. Nous n’aurions pas besoin d’elle… Vois-tu, avec une malle pas grosse… Oh ! ce serait bon, petite mère ! Rien que nous deux !… Je reviendrais engraissée, tiens ! comme ça.

Elle gonflait les joues et arrondissait les bras. Hélène dit qu’on verrait ; puis, elle s’échappa, en recommandant à Rosalie de bien veiller sur mademoiselle. Alors, l’enfant se pelotonna au coin de la cheminée, regardant le feu brûler, enfoncée dans une rêverie. De temps à autre, elle avançait machinalement les mains, pour les chauffer. Le reflet de la flamme fatiguait ses grands yeux. Elle était si perdue qu’elle n’entendit pas entrer M. Rambaud. Il multipliait ses visites, il venait, disait-il, pour cette femme paralytique que le docteur Deberle n’avait pu encore faire entrer aux Incurables. Quand il trouvait Jeanne seule, il s’asseyait à l’autre coin de la cheminée, il causait avec elle comme avec une grande personne. C’était bien ennuyeux, cette pauvre femme attendait depuis une semaine ; mais il descendrait tout à l’heure, il verrait le docteur, qui lui donnerait peut-être une réponse. Pourtant, il ne bougeait pas.

— Ta mère ne t’a donc pas emmenée ? demanda-t-il.

Jeanne eut un mouvement des épaules, plein de