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LES ROUGON-MACQUART.

de laurier et de thym pendait, la boîte aux épices avait une odeur poivrée. Autour d’eux, la cuisine, qui n’était pas rangée encore, étalait la débandade de la desserte ; mais elle restait bien agréable tout de même pour des amoureux de bel appétit, se payant là des choses dont on ne servait jamais à la caserne. Ça sentait surtout le rôti, relevé d’une pointe de vinaigre, le vinaigre de la salade. Les reflets du gaz dansaient dans les cuivres et dans les fers battus. Comme le fourneau chauffait terriblement, ils avaient entr’ouvert la fenêtre, et des souffles de vent frais, venus du jardin, gonflaient le rideau de cotonnade bleue.

— Vous devez rentrer à dix heures précises ? demanda Hélène.

— Oui, madame, sauf votre respect, répondit Zéphyrin.

— C’est qu’il y a une belle course !… Vous prenez l’omnibus ?

— Oh ! madame, des fois… Voyez-vous, avec un bon petit trot gymnastique, ça va encore mieux.

Elle avait fait un pas dans la cuisine, elle s’appuyait contre le buffet, les mains tombées et nouées sur son peignoir. Elle causa encore du vilain temps de la journée, de ce qu’on mangeait au régiment, de la cherté des œufs. Mais chaque fois qu’elle avait posé une question et qu’ils avaient répondu, la conversation cessait. Elle les gênait, ainsi derrière leurs dos ; ils ne se retournaient plus, parlant dans leurs assiettes, pliant les épaules sous ses regards, tandis qu’ils avalaient de toutes petites bouchées, pour être propres. Elle, calmée, se trouvait bien là.

— Ne vous impatientez pas, Madame, dit Rosalie, voilà déjà l’eau qui chante… Si le feu était plus vif…