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LES ROUGON-MACQUART.

prise de la curiosité de savoir comment il était fait. Mais elle ne put rester, elle se réfugia derrière un fauteuil, loin des vêtements dont la tiédeur l’importunait. Elle tournait la tête. Jamais sa mère changeant de robe ne l’avait gênée ainsi.

— Madame doit se sentir à son aise, disait Rosalie. C’est joliment bon, du linge sec, lorsqu’on est mouillé.

Hélène, dans son peignoir de molleton bleu, poussa un léger soupir, comme si elle eût en effet éprouvé un bien-être. Elle se retrouvait chez elle, allégée, n’ayant plus à ses épaules le poids de ces vêtements qu’elle avait traînés. La bonne eut beau lui répéter que le potage était sur la table, elle voulut même se laver le visage et les mains à grande eau. Quand elle fut toute blanche, humide encore, le peignoir boutonné jusqu’au menton, Jeanne revint près d’elle, lui prit une main et la baisa.

À table pourtant, la mère et la fille ne parlèrent point. Le poêle ronflait, la petite salle à manger s’égayait avec son acajou luisant et ses porcelaines claires. Mais Hélène semblait retombée dans cette torpeur qui l’empêchait de penser ; elle mangeait machinalement, d’un air d’appétit. Jeanne, en face d’elle, levait ses regards par-dessus son verre, sournoisement, ne perdant pas un de ses gestes. Elle toussa. Sa mère, qui l’oubliait, s’inquiéta tout d’un coup.

— Comment ! tu tousses encore !… Tu ne te réchauffes donc pas ?

— Oh ! si, maman, j’ai bien chaud.

Elle voulut lui tâter la main, pour voir si elle mentait. Alors, elle s’aperçut que son assiette restait pleine.