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UNE PAGE D’AMOUR.

lui apparaissait. Henri croyait à un rendez-vous. Jamais elle n’avait voulu cela. Elle se révoltait.

— Henri, je vous en supplie… Laissez-moi…

Mais il lui avait saisi les poignets, il l’attirait lentement, comme pour la vaincre tout de suite d’un baiser. L’amour grandi en lui pendant des mois, endormi plus tard par la rupture de leur intimité, éclatait d’autant plus violent, qu’il commençait à oublier Hélène. Tout le sang de son cœur montait à ses joues ; et elle se débattait, en lui voyant cette face ardente, qu’elle reconnaissait et qui l’effrayait. Déjà deux fois il l’avait regardée avec ces regards fous.

— Laissez-moi, vous me faites peur… Je vous jure que vous vous trompez.

Alors, il parut surpris de nouveau.

— C’est bien vous qui m’avez écrit ? demanda-t-il.

Elle hésita une seconde. Que dire, que répondre ?

— Oui, murmura-t-elle enfin.

Elle ne pouvait pourtant pas livrer Juliette après l’avoir sauvée. C’était comme un abîme où elle se sentait glisser elle-même. Henri, à présent, examinait les deux pièces, s’étonnant de l’éclairage et de leur décoration. Il osa l’interroger.

— Vous êtes ici chez vous ?

Et comme elle se taisait :

— Votre lettre m’a beaucoup tourmenté… Hélène, vous me cachez quelque chose. De grâce, rassurez-moi.

Elle n’écoutait pas, elle songeait qu’il avait raison de croire à un rendez-vous. Qu’aurait-elle fait là, pourquoi l’aurait-elle attendu ? Elle ne trouvait aucune histoire. Elle n’était même plus certaine de ne pas lui avoir donné ce rendez-vous. Une étreinte l’enveloppait, dans laquelle elle disparaissait lentement.