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UNE PAGE D’AMOUR.

Malignon, très-pâle, avait une figure sotte. Il piétinait, se sentant détesté et ridicule. La seule réflexion nette qu’il fût en état de faire, était que décidément il n’avait pas de chance. Il ne lui vint aux lèvres que cette pauvre question :

— Alors, vous croyez que je dois m’en aller aussi ?

Et comme on ne lui répondait pas, il prit sa canne, en continuant de causer, pour affecter un beau sang-froid. On avait tout le temps. Justement, il existait un autre escalier, un petit escalier de service abandonné, mais où l’on pouvait passer encore. Le fiacre de madame Deberle était resté devant la porte ; il les emmènerait tous deux par les quais. Et il répétait :

— Calmez-vous donc. Ça s’arrange très-bien… Tenez, c’est par ici.

Il avait ouvert une porte, on apercevait l’enfilade des trois petites pièces, noires et délabrées, laissées dans toute leur crasse. Une bouffée d’air humide entra. Juliette, avant de s’engager dans cette misère, eut une dernière révolte, demandant tout haut :

— Comment ai-je pu venir ! Quelle abomination !… Jamais je ne me pardonnerai.

— Dépêchez-vous, disait Hélène, aussi anxieuse qu’elle.

Elle la poussa. Alors, la jeune femme se jeta à son cou en pleurant. C’était une réaction nerveuse. Une honte la prenait ; elle aurait voulu se défendre, dire pourquoi on l’avait trouvée chez cet homme. Puis, d’un mouvement instinctif, elle retroussa ses jupons, comme si elle allait traverser un ruisseau. Malignon, qui était passé le premier, déblayait du bout de sa botte les plâtras encombrant l’escalier de service. Les portes se refermèrent.

Cependant, Hélène était restée debout au milieu