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LES ROUGON-MACQUART.

C’était Hélène. Tous deux, stupéfiés, la regardaient. Leur étonnement était si grand, qu’ils en oubliaient l’embarras de leur situation. Juliette n’eut pas un mouvement de gêne.

— Sauvez-vous, répétait Hélène. Votre mari sera ici dans deux minutes.

— Mon mari, bégaya la jeune femme, mon mari… Pourquoi ça ? à propos de quoi ?

Elle devenait imbécile. Tout se brouillait dans sa tête. Cela lui paraissait prodigieux qu’Hélène fût là et qu’elle lui parlât de son mari. Mais celle-ci eut un geste de colère.

— Ah ! si vous croyez que j’ai le temps de vous expliquer… Il va venir. Vous voilà avertie. Partez vite, partez tous les deux.

Alors, Juliette entra dans une agitation extraordinaire. Elle courait au milieu des pièces, bouleversée, lâchant des mots sans suite :

— Ah ! mon Dieu, ah ! mon Dieu… Je vous remercie. Où est mon manteau ? Que c’est bête, cette chambre toute noire ! Donnez-moi mon manteau, apportez une bougie que je trouve mon manteau… Ma chère, ne faites pas attention, si je ne vous remercie pas… Je ne sais où sont les manches ; non, je ne sais plus, je ne peux plus…

La peur la paralysait, il fallut qu’Hélène l’aidât à mettre son manteau. Elle posa son chapeau de travers, ne noua même pas les brides. Mais le pis fut qu’on perdit une grande minute à chercher sa voilette, qui était tombée sous le lit… Elle balbutiait, les mains éperdues et tremblantes, tâtant sur elle si elle n’oubliait rien de compromettant.

— Quelle leçon ! quelle leçon !… Ah ! c’est bien fini, par exemple !