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UNE PAGE D’AMOUR.

Elle sortit, referma rudement la porte. Jeanne avait reculé en chancelant jusqu’à la fenêtre, les larmes coupées par cette brutalité, raidie et toute blanche. Elle tendit les bras vers la porte, cria encore à deux reprises : « Maman ! maman ! » Et elle resta là, retombée sur sa chaise, les yeux agrandis, la face bouleversée par cette pensée jalouse que sa mère la trompait.

Dans la rue, Hélène hâtait le pas. La pluie avait cessé ; seules, de grosses gouttes, coulant des gouttières, lui mouillaient lourdement les épaules. Elle s’était promis de réfléchir dehors, d’arrêter un plan. Mais elle n’avait plus que le besoin d’arriver. Lorsqu’elle s’engagea dans le passage des Eaux, elle hésita une seconde. L’escalier se trouvait changé en torrent, les ruisseaux de la rue Raynouard débordaient et s’engouffraient. Il y avait, le long des marches, entre les murs resserrés, des rejaillissements d’écume ; tandis que des pointes de pavé miroitaient, lavées par l’averse. Un coup de lumière blafarde, tombant du ciel gris, blanchissait le passage, entre les branches noires des arbres. Elle retroussa à peine sa jupe, elle descendit. L’eau montait à ses chevilles, ses petits souliers manquèrent de rester dans les flaques ; et elle entendait autour d’elle, le long de la descente, un chuchotement clair, pareil au murmure des petites rivières qui coulent sous les herbes, au fond des bois.

Tout d’un coup, elle se trouva dans l’escalier, devant la porte. Elle demeura là, haletante, torturée. Puis, elle se souvint, elle préféra frapper à la cuisine.

— Comment, c’est vous ! dit la mère Fétu.

Elle n’avait pas sa voix larmoyante. Ses yeux minces luisaient, pendant qu’un rire de vieille com-